Financement du logement en Sénégal
Vue d'ensemble
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Le Sénégal abrite 25 banques et quatre établissements financiers, faisant de Dakar un des principaux hubs financiers de la zone de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) avec une contribution importante dans le marché du financement du logement. La quasi-totalité des banques commerciales du pays propose des prêts hypothécaires. Le système bancaire national injecte annuellement près de 50 milliards de FCFA (85.6 millions US$) dans le logement mais cela ne représente qu’une très faible part du total des prêts dans l’ensemble de l’économie.
L’offre globale de logements est très variable et pas suffisamment maitrisée en raison de la part prépondérante des acteurs informels aussi bien en milieu urbain que rural. Elle est plutôt concentrée dans l’agglomération dakaroise et est majoritairement composée de villas de trois ou quatre pièces principales. Les prix sont très variables (du simple au quadruple) d’une zone à l’autre dans l’agglomération dakaroise.
La politique de l’habitat du Sénégal a connu un tournant notable en 2020 avec l’organisation du 3ème Salon International de l’Habitat (SENHABITAT DAKAR), la création de la SAFRU et du FHS, la tenue du Conseil Présidentiel sur l’Habitat
Pour en savoir plus sur le secteur du financement du logement au Sénégal, y compris les principales parties prenantes, les politiques importantes et l’abordabilité du logement:
- Introduction
- Accès à la finance
- Faisabilité budgétaire
- Offre de logements
- Marché immobilier
- Politique et réglementation
- Opportunités
- Accès aux données sur le financement du logement
- Réponse à la COVID-19
- Autres sources
- Sites web
Sénégal
Introduction
La population du Sénégal, estimée à 16 209 125 en 2019[i] dont 46.7[ii] pour cent d’urbains, est caractérisée par la prédominance de sa jeunesse (52.1 pour cent de moins de 20 ans) et de sa capitale politique et économique Dakar (23 pour cent de la population).[iii]
Le Sénégal a une longue tradition dans la promotion de l’habitat, il est l’un des pionniers en Afrique en production de logements planifiés et de parcelles viabilisées : les sociétés immobilières publiques (SNHLM et SICAP) datent d’avant l’indépendance et le Sénégal est le premier pays en Afrique à accueillir un projet de « Site and Services » dans les années 1970. Cependant, en dépit des initiatives d’ordre politique et réglementaire, notamment avec la création de la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS), de la promulgation des lois sur les coopératives d’habitat et la promotion de l’habitat social, le pays connait un important déficit en logements. Celui-ci était estimé à plus de 300 000 unités en 2013 et, depuis, il s’accentue d’environ 10 000 unités par an.[vi]
Les villes étant les plus grands établissements humains et aussi les principaux points d’entrée dans le pays, avec leurs ports et aéroports, elles sont les plus durement affectées par la crise sanitaire de la pandémie de la COVID-19. Ainsi, la région de Dakar est la plus touchée avec plus 70 pour cent des malades (9 481 sur 13 456) au 29 août 2020.[vii] En réponse à la crise sanitaire, le gouvernement a créé le Fonds de Riposte et de Solidarité face à la pandémie de la COVID-19 (FORCE COVID-19). Ce fonds, d’un montant de 1 000 milliards de FCFA (1.7 milliard US$) sert à financer le Programme de Résilience Economique et Sociale. Ce programme inclut des actions portant sur l’amélioration des conditions de vie et d’habitat des populations, notamment la distribution de denrées alimentaires à un million de ménages vulnérables, y compris dans les quartiers urbains pauvres, et le paiement par l’État de la tranche sociale des factures couvrant deux mois de consommation d’électricité et d’eau pour tous.[viii]
[i] Direction des Statistiques Démographiques et Sociales, Division du Recensement et des Statistiques Démographiques, Bureau de l’État Civil et des Projections Démographiques. (2020), Rapport population 2019. http://www.ansd.sn/index.php?option=com_ansd&view=titrepublication&id=30 (accédé le 28 août 2020). Pg. 4.
[ii] Direction des Statistiques Démographiques et Sociales, Division du Recensement et des Statistiques Démographiques, Bureau de l’État Civil et des Projections Démographiques. (2019), Rapport population 2018. http://www.ansd.sn/index.php?option=com_ansd&view=titrepublication&id=30 (accédé le 28 août 2020). Pg. 5.
[iii] Direction des Statistiques Démographiques et Sociales, Division du Recensement et des Statistiques Démographiques, Bureau de l’État Civil et des Projections Démographiques. (2019, 2020). Rapport population 2019. http://www.ansd.sn/index.php?option=com_ansd&view=titrepublication&id=30 (accédé le 28 août 2020). Pg. 20.
[iv] ANSD. (2020). Les Comptes Nationaux Trimestriels (1er Trimestre 20200, mars 2020) http://www.ansd.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=589:2020-03-30-08-26-41&catid=56:depeches&Itemid=264 (accédé le 29 août 2020). Pg. 1 (page d’accueil).
[v] Ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération. (2020). Programme de Résilience Économique et Sociale Mobilisation nationale et internationale pour abonder le Fonds de Riposte et de Solidarité face à la pandémie de la COVID-19, avril 2020. Pg. 11.
[vi] Ministère de l’Urbanisme du Logement et de l’Hygiène Publique. (2020). Document du CONSEIL PRÉSIDENTIEL SUR LE LOGEMENT du 20 août 2020. Pg. 4.
[vii] Ministère de la Santé et de l’Action Sociale. (2020)., Coronavirus : Répartition par Région et District des cas de contamination à la Covid-19 au Sénégal du 29 Août 2020. http://www.sante.gouv.sn/mediatheque/phototheques/coronavirus-r pour centC3 pour centA9partition-par-r pour centC3 pour centA9gion-et-district-des-cas-de-contamination-76 (accédé le 30 août 2020). Pg. d’accueil.
[viii] Ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération. (2020). Programme de Résilience Économique et Sociale. Mobilisation nationale et internationale pour abonder le Fonds de Riposte et de Solidarité face à la pandémie de la COVID-19. Pg. 15- 17.
Accès à la finance
Le Sénégal abrite 25 banques et quatre établissements financiers, faisant de Dakar un des principaux hubs financiers de la zone de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA). De plus, la BHS), créée en 1979, est la première du genre dans l’UEMOA.
Les institutions de micro-finance, au nombre de 218,[i] jouent un rôle crucial dans le financement des activités économiques du pays. Les encours de crédits de ces institutions s’élevaient, au 4ème trimestre 2019, à 440 milliards de FCFA (753 millions US$) pour un total de 460 547 prêts.[ii] Ces institutions de micro-finance octroient des prêts non hypothécaires, généralement pour l’amélioration du logement.
La quasi-totalité des banques commerciales du pays propose des prêts hypothécaires. Le système bancaire national injecte annuellement près de 50 milliards de FCFA (85.6 millions US$) dans le logement mais cela ne représente qu’une très faible part du total des prêts dans l’ensemble de l’économie.[iii] Aussi, d’après une étude conduite par International Finance Corporation (IFC), le financement des banques ne couvre que 15 à 20 pour cent des besoins en prêts hypothécaires[iv] et il y a lieu de se poser la question de savoir si la cause est d’ordre structurel (capacité limitée des banques) ou opérationnel (insuffisance de demandes bancables).
L’acceptation des demandes de prêts relève de la solvabilité du demandeur principalement déterminée par son revenu et la quotité cessible réglementaire. Au Sénégal, la quotité généralement appliquée est de 33 pour cent du revenu. Toutefois, certaines banques se permettent des dérogations sur ce taux en faveur des revenus élevés, tout en s’assurant que l’emprunteur dispose de quoi vivre décemment après la ponction des remboursements. Un autre élément de l’éligibilité aux prêts hypothécaires est le taux d’effort, ou d’apport personnel, qui est généralement de 20 pour cent. Sauf dérogation (la BHS accorde une dérogation à ses clients fonctionnaires de l’État dont les salaires sont domiciliés chez elle. Les emprunteurs dans cette catégorie peuvent être exemptés d’apport), le minimum d’effort est de 10 pour cent.
Les taux d’intérêt ont baissé durant ces dernières années pour se situer présentement entre 6.5 pour cent et 10 pour cent. Avec la BHS, le taux moyen est de 7.2 pour cent.
Le logement est un bien social que chacun souhaite acquérir et conserver. Cette particularité, ajoutée à la nature de la garantie (hypothèque sur le produit), fait que le taux de défaut de remboursement est généralement bien contenu. La BHS affiche un taux de défaut de 1.09 pour cent en 2020,[v] alors que la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) rapporte, pour le mois d’avril 2020, un taux de dégradation de 5.2 pour cent pour l’ensemble des crédits des banques au Sénégal.[vi]
En plus des prêts hypothécaires, les établissements financiers accordent des crédits aux promoteurs et aux entreprises de construction de logements. Les promoteurs sont financés sous forme de crédits revolving pour couvrir leurs besoins avant d’atteindre l’autonomie financière qui arrive après le «Break-Even Point» marquant l’équilibre entre les déboursés d’investissement et les rentrées de fonds de la commercialisation. Quant aux entreprises, elles bénéficient d’avances de fonds des banques contre le nantissement de leurs marchés de travaux.
Dans le cadre de la riposte contre la pandémie, l’Etat a également mis en place un mécanisme permettant aux banques d’injecter un financement de l’ordre de 200 milliards FCFA (342 290US$) sous forme de crédits de trésorerie ou d’investissement en faveur des entreprises[vii].
[i] Direction de la Microfinance. (2015). Document de la Politique Sectorielle de la Microfinance et Plan d’action 2016-2020 publié en décembre, Tableau, 1. http://www.microfinance.sn/app/uploads/2019/07/LPS_Microfinance_2016-2020.pdf (accédé le 16 août 2020). Pg. 11.
[ii] Ministère des Finances et du Budget. (2020). Note sur la situation des SFD. Quatrième Trimestre 2019. https://drs-sfd.gouv.sn/sitedrs/wp-content/uploads/2020/02/NOTE-TRIM-4-2019.pdf (accédé le 16 août 2020). Pg. 12.
[iii] Ministère de l’Urbanisme du Logement et de l’Hygiène Publique. (2020). Document du CONSEIL PRÉSIDENTIEL SUR LE LOGEMENT du 20 août 2020. Pg. 16.
[iv] IFC HOUSING MARKET STUDY IN SENEGAL. (2020). Pg. 60.
[v] Communication par e-mail avec Mamadou GUEYE, BHS, le 10 août 2020.
[vi] BCEAO. (2020). BULLETIN MENSUEL DES STATISTIQUES juin 2020. https://www.bceao.int/sites/default/files/2020-07/Bulletin pour cent20Mensuel pour cent20des pour cent20Statistiques pour cent20Juin pour cent202020 pour cent20 pour cent281 pour cent29.pdf (accédé le 15 août 2020). Pg. 60.
[vii] Ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération. (2020). Programme de Résilience Économique et Sociale. Mobilisation nationale et internationale pour abonder le Fonds de Riposte et de Solidarité face à la pandémie de la COVID-19. Pg. 19.
Faisabilité budgétaire
L’accessibilité des logements au Sénégal est une question controversée.
D’un côté, l’insuffisance notoire de l’offre fait que tous les produits mis sur le marché par les promoteurs finissent par être vendus. Il est en effet très rare de voir des parcelles viabilisées ou des logements clés en main rester longtemps invendus car, en dernier ressort, les biens les plus difficiles à acquérir sont achetés par des investisseurs immobiliers qui les mettront en location.
De l’autre côté, en raison de la pauvreté relative des ménages (l’indice de pauvreté serait de 37.8 pour cent en 2019)[i] la quasi-totalité des produits mis actuellement sur le marché par les promoteurs immobiliers sont financièrement inaccessibles à la grande majorité de ceux qui sont à la recherche d’une propriété. En effet, en considérant un prêt aux meilleures conditions des banques pour acquérir le logement le moins cher actuellement sur le marché, il faudrait un revenu mensuel d’environ 232 000 FCFA (397US$),[ii] ce qui exclut 70 pour cent des demandeurs potentiels. Sachant également que 80 pour cent des logements actuellement commercialisés coûtent plus de 20 millions FCFA (34 229US$),[iii] il faudrait un revenu mensuel de 444 966 FCFA (762US$), excluant ainsi plus de 80 pour cent des demandeurs de logement.
Cela montre à quel point le marché de l’immobilier est distordu et très sélectif. Pour atténuer les effets de cette situation, le gouvernement a initié un projet de 100 000 logements sur cinq ans. A travers ce projet l’État compte apporter son appui au secteur de l’habitat permettant de baisser les coûts jusqu’à 38 pour cent, (la moitié en foncier aménagé, l’autre sous forme de facilités fiscales).[iv] Malgré tout, le logement le moins cher devrait coûter 10 millions FCFA (17 114US$), hors taxes et ne sera accessible qu’à 30% pour cent des ménages (ceux à partir du 7ème décile de l’échelle des revenus au Sénégal)[v].
[i] ANSD. (2020)- Communication des résultats de pauvreté de l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages au Sénégal (EHCVM 2018/2019), publiée en juillet 2020. https://www.ansd.sn/ressources/publications/Communication_Resultats_EHCVM_Juin2020_Senegal.pdf (accédé le 26 août 2020). Pg. 1.
[iii] IFC HOUSING MARKET STUDY IN SENEGAL. (2020). Distribution of available supply by price range, Pg. 54.
[iv] Ministère de l’Urbanisme du Logement et de l’Hygiène Publique. (2020). Document du CONSEIL PRÉSIDENTIEL SUR LE LOGEMENT du 20 août 2020. Pg. 11.
[v] Simulateur de la Banque de l’Habitat du Sénégal: https://www.bhs.sn/simulateur, en prenant un prêt de 10 millions FCFA sur 20 ans au taux de 7%.
Offre de logements
Cette faible production, ajoutée à la cherté relative des logements, a pour conséquence l’énorme déficit en logements qui était de 300 000 unités en 2013 sans compter, depuis lors, les nouvelles demandes annuelles estimées à 15 000 contre une offre inférieure à 5 000 unités.[ii]
Le projet gouvernemental des 100 000 logements comporte des avantages portant sur la facilitation à l’accès au foncier et les incitations fiscales et est assorti d’une convention cadre avec les promoteurs. La convention stipule que 50 pour cent des superficies allouées sont réservés aux logements dits sociaux, coûtant moins de 12 millions FCFA (20 537US$), et 20 pour cent des superficies aux logements dits économiques, coûtant moins de 20 millions FCFA (34 229US$). La convention cadre est complétée par un cahier des charges comportant les prescriptions minimales techniques et de confort pour les logements sociaux (villas de deux chambres salon avec un minimum de 60 m2 bâtis) tenant compte de la taille des ménages au Sénégal. La plupart des ménages hors de Dakar comptent 10 personnes ou plus, 64.2 pour cent en milieu rural et 56% en milieu urbain, alors que plus de la moitié des dakarois vivent dans des ménages de moins de 10 personnes).[iii]
Au titre de cet ambitieux projet, le gouvernement a identifié des milliers d’hectares dans les pôles urbains à l’intérieur du triangle Dakar-Mbour-Thiès et dans les autres localités du pays. De plus, l’État a mis en place, en 2020, deux structures d’accompagnement : la Société d’Aménagement Foncière et de Rénovation Urbaine (SAFRU) et le Fonds pour l’Habitat Social (FHS). Ce dernier sera alimenté, entre autres, par le versement de la taxe parafiscale sur le ciment et d’autres matériaux. Les ressources du FHS servent à soutenir à la fois l’offre, en finançant les travaux d’aménagement et la demande, à travers les garanties des prêts et la bonification des taux d’intérêt.[iv]
[i] Ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène Publique. (2020). Rapport de la Revue Sectorielle publié en juin 2020, Annexe 2, Pg. 54.
[ii] Ministère de l’Urbanisme du Logement et de l’Hygiène Publique. (2020). Document du CONSEIL PRÉSIDENTIEL SUR LE LOGEMENT du 20 août 2020. Pg. 4
[iii] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (2020), Note de synthèse No 5, Conditions d’habitat des ménages : Éléments d’éclairage en période de pandémie liée à la COVID 19. Pg. 2.
[iv] Ministère de l’Urbanisme du Logement et de l’Hygiène Publique. (2016 et 2020). Loi n° 2016-31 du 08 novembre 2016 portant Loi d’orientation sur l’habitat social et l’Article 2 du Décret 2020-831 du 23 mars 2020 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Fonds pour l’Habitat Social (FHS)
Marché immobilier
Malgré l’énorme déficit en logements, le marché de l’immobilier résidentiel sénégalais est très actif. Mais, il souffre d’un manque de données fiables et actualisées car en dehors des statistiques de l’ANSD, issues généralement des recensements sur l’habitat, il n’y a pas une étude récente du marché du logement au Sénégal. En réalité, il y a une énorme confusion entre le besoin de se loger et la demande effective de logement (au sens commercial du terme) que cela soit pour acquérir une propriété ou pour habiter en location.
Les prix sont très variables (du simple au quadruple) d’une zone à l’autre dans l’agglomération dakaroise. Par exemple, pour l’acquisition des logements les prix de vente du m2 varient d’une moyenne de 238 618 FCFA (408US$)[i] dans les nouvelles zones d’extension à plus 1 000 000 FCFA (1 709US$)[ii] au centre ville de Dakar.
Il y a également d’énormes contraintes liées à l’accès au foncier. L’immatriculation d’un terrain du domaine national suit une longue procédure impliquant notamment les autorités locales (délibération du Conseil municipal), les services déconcentrés de l’État (services départementaux du Cadastre, de l’Urbanisme, des Domaines et autres), la Direction Générale des Impôts et Domaines (qui assure le secrétariat de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales-CCOD), le Ministère en charge des Domaines (qui prépare le rapport de présentation du projet de décret d’immatriculation) et la Présidence de la République (pour la signature du décret d’immatriculation par le Président de la République).
Malgré la législation en la matière qui date de 1964, notamment la loi sur le domaine national qui marque l’entrée en vigueur de la tenure foncière dite moderne/régulière, le mode de tenure traditionnelle par les communautés persiste encore au Sénégal. La coexistence de ces deux régimes (formel/informel) explique le faible nombre de titres fonciers formellement créés. Jusqu’en 2014, seuls 152 000 titres fonciers[iii] avaient été délivrés, correspondant à moins de 8 pour cent des ménages du pays. Depuis, des efforts notables ont été enregistrés dans la création des titres de propriété. Par exemple, les bureaux de Conservation de la Propriété et de Droit Foncier de Ngor et de Pikine,[iv] situés dans la région de Dakar, ont connu entre janvier et juillet 2020 une hausse importante hausse dans la création de nouveaux titres fonciers. Au Bureau de Ngor, 2 420 titres ont été créés entre janvier et août 2020 sur un cumul de 22 810 titres enregistrés sur le livre foncier, soit plus 10 pour cent de hausse en huit mois. [v]
Il y a un début d’information de la gestion foncière à travers le Projet d’Appui à la Gestion du Foncier (PAGEF). En plus, certains bureaux de la Conservation foncière ont commencé (sur fonds propres) la saisie informatisée des données foncières. Cependant, la gestion foncière reste encore très largement dominée par l’inscription manuelle des titres sur les livres fonciers. S’agissant de la procédure de mutation d’un titre de propriété résultant, par exemple, de l’achat d’un bien immobilier déjà immatriculé, le Sénégal enregistre un score de 58.3 points sur 100.[vi] Il fait mieux que la moyenne de la région Afrique subsaharienne mais se situe derrière certains pays d’Afrique de l’Ouest comme le Togo, le Ghana et la Côte d’ivoire.
Selon l’ANSD, les statuts d’occupation du logement les plus fréquents au Sénégal sont la propriété (70 pour cent) et la location (23.3 pour cent), tandis que 3.4 pour cent sont logés gratuitement.[vii] Au quartier Plateau du centre-ville de Dakar le loyer mensuel moyen pour un logement de trois pièces principales est de 1,6 millions FCFA (2 735US$)[viii] alors que pour une maison comparable à un logement nouvellement construit par les promoteurs dans les zones d’extension de la grande agglomération dakaroise le loyer mensuel est de 138 814 FCFA (238US$).[ix] Ce dernier est la moyenne des cinq premiers mois de 2020 et reflète une baisse de 24.1 pour cent par rapport à la même période en 2019.[x] Cette baisse relativement importante durant la première moitié de 2020, dont les causes exactes sont inconnues pour le moment, pourrait être imputée à la morosité et à l’incertitude des perspectives économiques créées par la pandémie de la COVID-19.
[i] Ceci est la moyenne calculée comme suit : SICAP (10.5 millions pour une superficie de 64m2, soit 195 313 FCFA, SNHM (12 millions pour 41m2, soit 292 683 FCFA par m2), GETRAN Immo (18 millions pour 79 m2, soit 227 848 FCFA par m2). Ceci qui donne une moyenne de 238 618 FCFA par m2.
[ii] Entretien direct avec M. Babacar Faye (tel: +221 77 731 39 39), Président du Regroupement des Promoteurs privés Immobiliers du SENEGAL (RPPIS), le 11 août 2020 à 16 heures.
[iii] IFC HOUSING MARKET STUDY IN SENEGAL. (2020). Pg. 23.
[iv] Le bureau de Pikine est présentement l’un des plus importants du Sénégal en termes de transactions foncières parce que couvrant le territoire abritant les réserves foncières les plus convoitées pour l’habitat, tout comme les départements de Rufisque et de Mbour.
[v] Entretien direct du 11 août 2020 avec Monsieur KASSE, le Chef de Bureau.
[vi] Word Bank Doing-Business-2020-Sénégal, Pg. 21
[vii] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (2020), Note de synthèse No 5, Conditions d’habitat des ménages : Éléments d’éclairage en période de pandémie liée à la COVID 19. Pg. 4.
[viii] https://www.mamaison.sn/maisons-a-louer/plateau/2-chambres. Rechercher “prix moyen”, sélectionner “loyer” (accédé le 22 septembre 2020).
[ix] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie. (2020). Bulletin mensuel des Statistiques Economiques du mois de mai 2020, Tableau IV.2- 2 (suite), ligne intitulée: Loyer brut mensuel d’une maison en dur, isolée avec toilettes internes. https://www.ansd.sn/ressources/publications/Bulletin_mai_2020.pdf (accédé le 17 août 2020). Pg. 54.
[x] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie. (2020). Bulletin mensuel des Statistiques Economiques du mois de mai 2020, Tableau IV.2- 2 (suite), ligne intitulée: Loyer brut mensuel d’une maison en dur, isolée avec toilettes internes. https://www.ansd.sn/ressources/publications/Bulletin_mai_2020.pdf (accédé le 17 août 2020). Pg. 54.
Politique et réglementation
La politique de l’habitat du Sénégal a connu un tournant notable en 2020 avec l’organisation du 3ème Salon International de l’Habitat (SENHABITAT DAKAR), la création de la SAFRU et du FHS, la tenue du Conseil Présidentiel sur l’Habitat
L’État n’intervient pas directement dans la construction de logements. Cette activité est laissée aux promoteurs immobiliers parapublics et privés, aux coopératives et aux ménages (auto-construction). Cependant, l’État s’est efforcé de créer un environnement favorable à la promotion de l’habitat en libéralisant la profession de promoteur immobilier, en créant la BHS, en encadrant les coopératives d’habitat, en instituant le Fonds de Garantie du Logement (FOGALOG) et en adoptant la loi 2016-31 du 08 novembre 2016 portant loi d’Orientation sur l’habitat social.
La production de logements demeure malgré tout toujours largement insuffisante par rapport à la demande. Les raisons de ce paradoxe sont à chercher au niveau de la cherté des coûts de construction, de la pauvreté des ménages, des contraintes liées au foncier et du moindre intérêt des promoteurs pour les logements de bas de gamme.
Concernant la cherté des coûts et l’accès au foncier, le projet des 100 000 logements prévoit la réduction des coûts à travers la production locale des matériaux de construction et réserve 50 pour cent des terres aux unités coûtant moins de 12 millions FCFA (20 537US$). Aussi, le Conseil présidentiel du 20 août 2020, a retenu la mise en place d’un guichet unique pour engager les procédures foncières et administratives concernant les promoteurs retenus dans ce projet national.
Opportunités
L’énorme déficit rappelé plus haut permet d’affirmer que le « business du logement » au Sénégal dispose d’un potentiel considérable. D’ailleurs, le projet des 100 000 logements a révélé une sur-demande de plus de 110 pour cent : 213 744 demandes éligibles ont été enregistrées pour seulement une offre projetée de 100 000 unités.[i] Par conséquent, il y a de la place pour tout investisseur, national ou étranger.
Le projet de 100 000 logements nécessite un financement bancaire annuel de 200 milliards FCFA (342.3 millions US$) alors que présentement les banques ne financent le logement qu’à hauteur de 50 milliards FCFA (85.6 millions US$).[ii] Il y a donc là une réelle opportunité pour les institutions de financement disposées à accorder des prêts hypothécaires.
D’autres opportunités à considérer sont la construction de logements destinés à la location-vente et la production de parcelles viabilisées destinées à l’auto-construction, à l’autofinancement et à la construction incrémentale. Ces opportunités se justifient par le fait que certains segments du marché, notamment ceux qui gagnent moins de 115 000 FCFA (197US$) par mois (correspondant aux cinq premier déciles de l’échelle des revenus) pourront difficilement accéder à la propriété bâtie par le biais d’un prêt hypothécaire.
Malgré tout, il reste des défis pouvant impacter négativement les projets immobiliers, notamment la mise à disposition du foncier. Ils sont susceptibles de provenir de la cohabitation entre les deux régimes fonciers (formel et coutumier), des lenteurs des procédures administratives et du retard de la prise en charge par l’État des coûts des voiries et réseaux primaires.
Sous le même rapport, il est utile de relever comme forces du Sénégal sa stabilité politique, sa monnaie librement convertible et une inflation maitrisée (autour de 1 pour cent). Toutefois, le pays demeure largement dépendant de l’importation et reste confronté à la cherté d’intrants comme le carburant et l’électricité.
[i] Ministère de l’Urbanisme du Logement et de l’Hygiène Publique. (2020). Document du CONSEIL PRÉSIDENTIEL SUR LE LOGEMENT du 20 août 2020. Pg. 22.
[ii] Ministère de l’Urbanisme du Logement et de l’Hygiène Publique. (2020). Document du CONSEIL PRÉSIDENTIEL SUR LE LOGEMENT du 20 août 2020. Pg. 16.
Accès aux données sur le financement du logement
Les structures ci-après sont les principales sources de données et de statistiques sur le logement au Sénégal.
L’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), principale source de données statistiques pour les secteurs des bâtiments et travaux publics (BTP) et du logement. L’ANSD collecte et publie ses données à travers des recensements, enquêtes et études monographiques.
La BHS qui collecte ses données auprès des promoteurs et clients bénéficiaires de prêts.
La Direction de la Réglementation et de la Supervision des Systèmes Financiers Décentralisés (DRS-SFD) qui collecte les données auprès des institutions de microfinance.
La BCEAO qui collecte ses données auprès des banques commerciales.
Enfin, la Banque Africaine de Développement (AfDB) qui publie des données socio-économiques sur les pays africains.
En matière de données, les principaux défis sont liés au manque de spécificité (les données sont souvent globales et non désagrégées par secteur ou sous-secteur comme pour les crédits au logement), à l’absence de mises à jour et parfois à leur faible fiabilité.
Réponse à la COVID-19
L’État, en partenariat avec le secteur bancaire (BCEAO et les banques commerciales, a mis en place un mécanisme de financement des entreprises affectées par la crise de la COVID-19. « Celui-ci avait pour but de permettre aux entreprises des secteurs les plus vulnérables d’accéder aux ressources nécessaires, à des conditions de taux d’intérêt et de maturité tenant compte de leurs situations, leur permettant de faire face aux besoins urgents ».[i] Le mécanisme a permis le paiement des dettes dues aux fournisseurs de l’État pour 302 milliards FCFA (516.9 millions US$), le soutien aux secteurs les plus touchés pour 100 milliards FCFA (171.1 millions US$) selon des modalités à définir et la distribution de kits alimentaires de première nécessité à un million de ménages pauvres dont la majorité vivent dans les quartiers urbains défavorisés et en milieu rural.[ii]
Le gouvernement a également différé le paiement des impôts et taxes jusqu’au 15 juillet 2020 pour l’ensemble de la population. En matière de logement, il a invité les bailleurs à sursoir aux expulsions durant la période de l’Etat d’urgence et il a supporté deux mois de consommation des tranches sociales des factures d’électricité et d’eau.
[i]Ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération. (2020). Programme de Résilience Économique et Sociale. (2020) Mobilisation nationale et internationale pour abonder le Fonds de Riposte et de Solidarité face à la pandémie de la COVID-19, avril 2020. https://www.ipar.sn/IMG/pdf/plan_re_silience_-_ministere_de_l_economie.pdf. Pg. 19.
[ii] Ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération. (2020). Programme de Résilience Économique et Sociale. (2020) Mobilisation nationale et internationale pour abonder le Fonds de Riposte et de Solidarité face à la pandémie de la COVID-19, avril 2020. https://www.ipar.sn/IMG/pdf/plan_re_silience_-_ministere_de_l_economie.pdf. Pg. 15, 18 et 19.
Autres sources
- La loi 2016-31 du 08 novembre 2016 portant loi d’Orientation sur l’habitat social.
- Décret 2009-1450 du 30 décembre 2009 du Code de l’Urbanisme
- Décret 2020-831 du 23 mars 2020 fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Fonds pour l’Habitat Social (FHS)
- Projet de convention cadre dans le cadre du projet gouvernemental des 100 000 logements
- Indice du Coût de la Construction, deuxième trimestre 2020 (juin 2020)
- Rapport de la Revue Sectorielle du Ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène Publique (MULHP) publié en juin 2020.
- Indice du Coût de la Construction, deuxième trimestre 2020 (juin 2020)
- Courriel du 18 août 2020 de M. GUEYE de la Banque de l’Habitat du Sénégal
Sites web
- Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)bceao.int
- Direction de la Réglementation et de la Supervision des Systèmes Financiers Décentralisés (DRS-SFD) drs-sfd.gouv.sn
- Direction de la Microfinance microfinance.sn
- Société Immobilière du Cap Vert (SICAP-SA) sicap.sn
- Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) ansd.sn
- Société Immobilière du Cap Vert (SICAP-SA) sicap.sn
- Société Nationale des Habitations à Loyer Modéré (SNHLM) snhlm.sn
- Banque de l’Habitat du Sénégal bhs.sn
- MaMaison mamaison.sn
- Sénégalaise de l’Immobiliersenegalaisedelimmobilier.net
- Banque Africaine de Développement afdb.org
- Direction de la Réglementation et de la Supervision des Systèmes Financiers Décentralisés (DRS-SFD) drs-sfd.gouv.sn
- Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) bceao.int
- Ministère de l’Economie, du Plan et de la Coopération, les Mesures de Soutien aux Entreprise covid19.economie.gouv.sn
- Fonds d’Impulsion de la Microfinance (FIMF), fimf.sn