Financement du logement en Tchad
Vue d'ensemble
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En raison d’un taux de croissance démographique de 2,96% en 20201 et d’un exode rural massif, les villes tchadiennes, notamment la capitale N’Djamena, se caractérisent par une prolifération d’habitats informels et de bidonvilles en raison de l’occupation anarchique d’espaces non viables qui sont essentiellement inadaptés aux établissements humains. Cela s’est traduit par un taux d’urbanisation élevé estimé à 3,99%. Outre cette urbanisation incontrôlée, la production, la promotion et le financement de logements sociaux à faible coût sont limités par plusieurs contraintes. Il s’agit notamment de la paralysie de la Banque de l’Habitat du Tchad (BHT), seule structure dédiée au financement du logement, depuis son ouverture en 2017 ; l’incapacité financière de la seule agence immobilière parapublique fonctionnelle à autofinancer le logement social, la Société de la Promotion Foncière et Immobilière (SOPROFIM) ; et les coûts élevés des matériaux de construction importés, en raison de l’isolement du pays et de la fermeture des frontières imposées par le COVID-19.
La mort tragique du président de la République, suivie d’une transition militaire, a aggravé les risques financiers. Enfin, les inondations de fin 2020, qui ont touché plusieurs quartiers de N’Djamena pendant près d’un mois, ont contraint plus de 190 000 habitants à se réfugier dans des écoles et des espaces vides ou sous des abris de fortune installés dans des campements spontanés précaires. Ces inondations ont mis en évidence le degré élevé de précarité du logement de la plupart des habitants des bidonvilles, qui manquent d’équipements de base tels que l’électricité, l’eau, l’hygiène et l’assainissement, ce qui entraîne une forte informalité urbaine.
Vous pouvez accéder ci-dessous à plus d’informations sur le secteur du financement du logement du Tchad, y compris les principaux intervenants, les principales politiques et l’accessibilité au logement:
- Introduction
- Accès au financement
- Faisabilité budgétaire
- Offre de logements
- Marchés immobiliers
- Politique et réglementation
- Opportunités
- Données relatives sur le financement du logement
- Informalité urbaine
- Sources additionnelles
- Sites internet
Tchad
Introduction
Classé comme pays à faibles revenus par la Banque Mondiale[1], le Tchad a enregistré une croissance économique négative de -0.89% en 2020.[2] Cette économie étant soutenue essentiellement par l’industrie du pétrole aux revenus aléatoires, elle a été négativement impactée par la COVID-19 dont les effets socioéconomiques négatifs persistent. Même si l’inflation et l’index du prix sont restés stables en 2021, le Produit Intérieur Brut (PIB) est en baisse (-3.78) passant de 730 US$ en 2019 à 614 US$ en 2020.[3] Le score de l’indice Doing Business s’est pratiquement stabilisé à 36.9 (2020) contre 36.94 (2019) mais le pays garde son rang de 182e sur 190 dans le monde.[4] De même, une légère baisse de l’Indice de Développement Humain (IDH) est observée (0.398 en 2019 contre 0.40 en 2020) même si le Tchad n’a pas changé son rang de 187e sur 188 pays en 2020[5]les élections présidentielles de mars 2021 suivies du décès tragique du Président Idriss Deby intervenu le 20 avril 2021, ont perturbé la vie socioéconomique.
Du fait d’une démographie galopante atteignant un taux de 2.96% en 2020[6] et son corollaire l’exode rural massif, les villes tchadiennes, surtout la capitale, sont caractérisées par une prolifération des quartiers informels et bidonvilles due aux occupations anarchiques des espaces non viables et impropres aux établissements humains. Il en résulte un taux élevé d’urbanisation estimé à 3.99%.[7] En plus de cette urbanisation incontrôlée, la production, la promotion et le financement des logements sociaux à coûts réduits sont essentiellement limités par plusieurs contraintes. Parmi celles-ci l’on distingue, la paralysie depuis son ouverture en 2017 de la Banque de l’Habitat du Tchad (BHT), unique structure dédiée au financement de l’habitat ; l’incapacité financière de la Société de la Promotion Foncière et Immobilière (SOPROFIM), l’unique agence immobilière parapublique fonctionnelle, à autofinancer les logements sociaux comme assignée par sa mission principale ; les coûts élevés des matériaux de construction importés du fait de l’enclavement du pays et de la fermeture des frontières imposée par la COVID-19 ; le décès tragique du Président de la République suivi d’une transition militaire qui ont aggravé les risques financiers : enfin les inondations de fin 2020 qui ont touché plusieurs quartiers des 7e, 9e et 10e arrondissements de la capitale pendant près d’un mois poussant plus de 190 000 habitants à se réfugier dans les écoles et espaces vides ou sous des abris de fortune installés dans des camps spontanés précaires. Ces inondations ont mis en évidence le haut degré de précarité des logements de la majorité des habitants des bidonvilles dépourvues d’équipements de base (électricité, eau, hygiène et assainissements), résultant en une informalité urbaine sévère.
Cependant, les récents développements significatifs relatifs aux logements sont surtout la construction en procédure d’urgence d’une centaine de logements décents dans une dizaine de villes secondaires pendant la campagne électorale, entièrement financés dans le cadre des projets présidentiels et la disponibilité de 38 logements réceptionnés dont la campagne de vente a été officiellement lancée en juin 2021 par la SOPROFIM.
[1] World Bank Group. (2020). Economy Profile Chad in Doing Business 2020. (Consulté le 20 août 2021)
[2] Banque Mondiale. (2020). Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale. https://data.worldbank.org/indicator/ NY.GDP.MKTP.KD.ZG ?locations=TD (Consulté le 20 août 2021)
[3] Banque Mondiale. (2020). Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale. https://data.worldbank.org/indicator/ NY.GDP.PCAP.CD ?locations=TD(Consulté le 20 août 2021)
[4] Ibid
[5] Banque Mondiale. (2020). Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale. http://hdr.undp.org/en/data# (Consulté le 20 août 2021)
[6] Banque Mondiale. (2020). Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale, https://data.worldbank.org/indicator/ SP.POP.GROW ?locations=TD (Consulté le 20 août 2021)
[7] Banque Mondiale. (2020). Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale https://data.worldbank.org/indicator/ SP.URB.GROW ?locations=TD (Consulté le 20 août 2021)
Accès au financement
Le réseau bancaire formel, constitué de neuf banques primaires, n’a pas évolué depuis 2015.[1] Il en est de même des établissements de microfinance dont le nombre est resté à 225.[2] Parmi toutes ces institutions financières, à part la BHT dont le guichet immobilier demeure toujours fermé, il n’existe pas d’autres structures formelles de financement immobilier hypothécaire opérationnelles au Tchad. Ainsi, l’autofinancement des logements privés reste dominant étant donné que l’accès aux prêts immobiliers est très sélectif faute de fonds de garantie. Pour illustration, seulement 2 060 prêts particuliers à long termes (assimilés aux crédits immobiliers) ont été accordés par les différentes banques de la place pour un montant total de 19 088 millions de FCFA (34.5 millions US$) en fin 2018.[3] Cette activité de crédits à long terme est dominée par la Société Générale du Tchad (SGT) avec 25.2%, Commercial Bank Tchad (CBT) avec 20.4% et Orabank Tchad (OBT) avec 18.9%.[4] Les taux d’intérêts pratiqués par ces banques varient entre 11 et 15% pour un délai ne dépassant pas 10 ans. Dans tous les cas, il est exigé du prêteur un apport personnel préalable allant de 10 à 30% du montant sollicité selon les garanties constituées.[5] Dans ces conditions, tous les ménages à faibles et moyens revenus sont d’office exclus et se rabattent naturellement sur certains établissements de microfinance qui n’offrent que des prêts à montants très limités (inférieurs à 5 000 000 FCFA[6], soit 9 038 US$) et aux taux d’intérêts supérieurs à 15% pour des délais très courts de 24 à 36 mois. Malgré l’impact négatif de la COVID-19 sur les habitants et les dégâts importants causés par les inondations de 2020, aucune réduction du taux d’intérêts immobiliers n’a été opérée ni de subvention quelconque accordée aux ménages en quête de logement. Au contraire, l’augmentation des risques financiers imputables à la pandémie d’une part et d’autre part à l’insécurité socio-politique (créée par la suppression de l’ordre constitutionnel depuis le 20 avril 2021) seraient à l’origine d’un certain ralentissement des prêts financiers.[7] L’arrêt momentané de nombreux chantiers étatiques qui ont été réouverts en janvier 2021 alors qu’ils étaient tous fermés depuis l’application des 16 mesures économiques prises en Août 2016 en est la parfaite illustration.
[1]BEAC, ‘Evolution des taux débiteurs pratiqués par les établissements de crédit dans la CEMAC au 2ème Semestre 2018’, Yaoundé, avril 2019 pp39
[2]Entretien téléphonique avec Mr ISRAEL, SG de l’Association des Etablissements de microfinances du Tchad
[3] BEAC, ‘Evolution des taux débiteurs pratiqués par les établissements de crédit dans la CEMAC au 2ème Semestre 2018’, Yaoundé, avril 2019 pp39-43.
[4] BEAC, ‘Evolution des taux débiteurs pratiqués par les établissements de crédit dans la CEMAC au 2ème Semestre 2018’, Yaoundé, avril 2019 pp39-43.
[5] Entretien face-à-face avec Mr Ali Mahamat, Chef d’Agence Centrale ORABANK N’Djaména, Tchad.
[6] Entretien téléphonique avec Mr ISRAEL, SG de l’Association des Etablissements de microfinances du Tchad.
[7] Ali, Mahamat (Chef d’Agence centrale de ORABANK, Ndjaména.
Faisabilité budgétaire
Le Gouvernement tchadien n’accorde pas de subvention formelle substantielle à l’immobilier. Les matériaux de construction importés coûtent très cher à cause surtout du double enclavement : intérieur (pays très grand avec un réseau routier insuffisant et très dégradé) et extérieur (plus de 2 000km des ports les plus proches comme Douala, Lagos ou Khartoum). Dans ces conditions, il serait difficile d’obtenir de logement abordable au Tchad. Car, le coût de construction du mètre carré bâti de 192 000 FCFA (347 US$) offert par la SOPROFIM en 2020[1] demeure le plus abordable comparé au coût minimum de 250 000 FCFA/m2 dans la ville de N’Djaména. Or, un tel coût exclut d’office tous les ménages à revenus faibles et intermédiaires privilégiant uniquement les revenus mensuels supérieurs à 500 000 FCFA (903.8 US$) qui ne représentent qu’une infime minorité de la population. Aussi, tirant les leçons des logements construits en 2020 à Toukra Mousgoun, la SOPROFIM exige actuellement un dépôt minimum préalable de 30% contre 15% du coût total l’an dernier avant de céder à crédit hypothécaire les 38 villas F3 disponibles.[2]Evidemment, toutes ces mesures ne sont pas de nature à rendre accessible un logement décent au grand nombre de la population pour laquelle le PIB par tête est de moins de 614 US$ par an.[3] Enfin, la gratification de six mois de consommation d’eau et de trois mois d’électricité offerte en 2020 par le Gouvernement Tchadien comme mesures d’atténuation des impacts de la COVID-19 n’a pas été renouvelée cette année alors que les effets néfastes de cette pandémie sont encore perceptibles.
[1] Entretien face-à-face avec Mr DYA Soussia, Directeur des Opérations de la SOPROFIM, le 18 Août 2021.
[2] Entretien face-à-face avec Mr DYA Soussia, Directeur des Opérations de la SOPROFIM, le 18 Août 2021.
[3] Banque Mondiale. (2020). Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale. https://data.worldbank.org/indicator/ NY.GDP.PCAP.CD ?locations=TD (Consulté le 20 août 2021)
Offre de logements
Depuis la cession subventionnée par le président de la République à titre exceptionnel en 2012 des 70 villas de la cité ‘patte d’oie’ (villas construites sur budget état avec l’appui technique de ONU-Habitat) aux enseignants chercheurs des universités (43 villas) et aux familles des martyrs (27 villas), la première vague de 62 logements en construction depuis 2020 sur les 100 prévus par la SOPROFIM a enfin lieu sur financement à titre pilote de Shelter Afrique.[1] Tous les autres programmes gouvernementaux notamment le Plan National de Développement (PND 2017–2021) n’ont pas mis en œuvre un seul projet de logements sociaux. A ce rythme, l’atteinte de l’Objectif de Développement Durable 2011 (ODD 11) est hypothétique. Les besoins urgents des sinistrés des inondations de 2020, consécutives aux pluies diluviennes provoquées par les changements climatiques, ont creusé de façon critique le déficit en logements des habitants des banlieues de N’Djaména. En effet, OCHA-UN, dans une publication du 10 Septembre 2020[2] a estimé à 38 000 le nombre de ménages sinistrés. Dès lors, le relogement de ces sinistrés s’ajoute aux multiples défis majeurs du Gouvernement au cours de l’année 2021.
Heureusement, SOPROFIM a décidé de vendre à bas prix (5 000 à 10 000 FCFA/m² contre 50 à 100 000 FCFA/m² en centre-ville)[3] des parcelles viabilisées dans le 9e arrondissement (pour renforcer ses fonds et parfaire les équipements complémentaires de cette première cité de Toukra Mousgoun) ; ce qui a suscité un engouement de la population malgré que les prix soient élevés pour les faibles revenus. Aussi, en faveur de la campagne électorale, sur fonds spéciaux, le feu président de la République a offert quelques dizaines de logements officiels dans quelques villes secondaires de la zone septentrionale où des logements décents sont très rares.[4] À ce jour, ces travaux ne sont pas achevés et aucune donnée officielle sur le montant et le nombre n’est disponible auprès des responsables des infrastructures et d’habitat contactés.
[1] Entretien téléphonique avec Mr DYA Soussia, Directeur des Opérations de la SOPROFIM, le 28 Août 2021.
[2] OCHA, Chad – Les inondations ravagent le pays et affectent près de 190 000 personnes | Digital Situation Reports (unocha.org) accédé le 24 aout 2021.
[3] Entretien face-à-face avec Mr DYA Soussia, Directeur des Opérations de la SOPROFIM, le 18 Août 2021.
[4] Entretien téléphonique le 24 Août 2021 avec Mr Alaina, Tél 66 31 60 13, Directeur Général du MAFDUH, N’djaména, Tchad.
Marchés immobiliers
Concernant le marché de l’immobilier au Tchad, il y a une absence d’un marché de revente résidentielle formelle et organisé. Plutôt, on observe que l’acquisition des parcelles urbaines se fait essentiellement par héritage et/ou par achat direct car les attributions officielles sont très rares. Aussi, l’obtention des titres fonciers (TF) et autres actes domaniaux (plans, arrêtés et certificats de propriété) ainsi que leur enregistrement, demeure toujours tributaire de la lenteur administrative pouvant dépasser 29 jours pour l’enregistrement seul[1] ; ce qui décourage toute démarche légale. Le coût d’enregistrement d’une propriété représente 8.1% du coût total investi ; ce qui classe le Tchad au 131e rang mondial sur les 188 Etats.[2] Par conséquent, c’est seulement dans les grandes villes que certains propriétaires font l’effort d’obtenir les arrêtés de cession de gré à gré dont la délivrance est plus rapide que des titres fonciers.[3]A titre illustratif, le nombre total de titres fonciers créés au Tchad depuis l’indépendance, extrait du registre du domaines le 18 août 2021 est de 8 368 contre 7 374 en 2020 soit 994 titres contre les 429 en 2020 soit 232% .[4]Cette très forte performance est imputable à la baisse sensible des coûts avec des réductions jusqu’à 50% des taxes foncières ainsi que la campagne de sensibilisation déclenchée par les Services du domaine.
Par ailleurs, à cause de la crise de la pandémie qui limite considérablement l’arrivée des expatriés, le montant du loyer mensuel d’une villa moderne décente de 120m2 a été réduit à 300 000 FCFA (542.3 US$) par mois, eau et électricité non compris contre 500 000 FCFA (903.8 US$) en 2019.[5] Selon la même source, il y a également une tendance à la stabilisation voire à la baisse des prix des parcelles à N’djaména.
La réception des 38 premiers logements en mai 2021 sur les 62 de SOPROFIM dont les travaux ont démarré en octobre 2020 consacre enfin la naissance d’un marché formel de l’immobilier. Selon le Directeur des Opérations de SOPOFRIM, la campagne de publicité de la vente hypothécaire de ces logements disponibles est lancée depuis juin 2021 par voie de presse et le recrutement de 5 agents publicitaires.[6]
Au Tchad, les principales institutions en charge des questions foncières et immobilières sont : la direction du cadastre sous tutelle du MAFDUH, la direction des domaines, enregistrements et timbres sous tutelle du Ministère de Finance et Budget, qui délivre, gère et conserve tous les documents fonciers, et le guichet unique qui fait le traitement numérique et automatique des dossiers. Malheureusement, cette dernière institution est bloquée depuis juin 2021 à cause d’une panne du logiciel de base paralysant ainsi toute la chaîne de délivrance des documents fonciers.
[1]Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale. https://www.doingbusiness.org/en/custom-query
[2] World Bank Group. (2021). Economy Profile Chad in Doing Business 2020. (Consulté le 20 août 2021)
[3] Entretien face-à-face avec Mr DYA Soussia, Directeur des Opérations de la SOPROFIM, le 18 Août 2021.
[4] Echange de mail avec Zoukalne Patédjori, Conseiller à la Direction des Domaines, Enregistrements et Timbres, 25 Août 2021, N’djaména, Tchad.
[5] Entretien face-à-face avec Mr Aliouda Liman, Agent immobilier, Tel 66 27 12 82 , le 27 Août 2021, N’djaména, Tchad.
Politique et réglementation
Le processus de mise en place des textes légaux et règlementaires encadrant le foncier et l’habitat au Tchad déclenché depuis 2010 n’est pas encore complétement terminé. À ce jour, le Tchad dispose de trois lois publiées à savoir : Loi n° 004/PR/2010 du 07 Janvier 2010 fixant les principes fondamentaux applicables en matière de construction, Loi n°006/PR/2010 du 12 Janvier 2010 fixant les principes fondamentaux applicables en matière d’Urbanisme et Loi n°023/PR/2010 du 24 novembre 2010 portant détermination des principes fondamentaux du financement et de la promotion de l’habitat. Elles constituent les fondements légaux de la politique nationale en matière d’habitat. Puis, suivirent la création de la Société de Promotion Foncière et Immobilière (SOPOFRIM) et l’Observatoire de l’Habitat et du Développement Urbain (OHDU) en 2012. En 2017, la Banque de l’Habitat du Tchad (BHT) fut créée. Enfin, la création de l’Ordre National des Ingénieurs Civils du Tchad (ONIC-T) par décret 1612/PR/MATDHU/2019 du 03 Octobre 2019 portant organisation de la profession s’inscrit dans le processus d’amélioration du sous-secteur de l’habitat. L’ONIC-T, placé sous la tutelle du Ministère des Affaires Foncières, du Développement de l’Urbanisme et Habitat, vient s’ajouter au dispositif. L’ONIC-T vient d’adopter définitivement ses textes règlementaires à savoir le Règlement Intérieur et le Code de Déontologie de l’Ordre le 05 Décembre 2020. Le premier tableau de l’ordre est apparu en juin 2021 et a été très bien accueilli par tous les principaux acteurs impliqués dans le secteur des Bâtiments et Travaux Publics.
En revanche, les quatre décrets d’application des lois citées ci-dessous n’ont pas encore été promulgués. Il s’agit du Décret portant détermination des modalités de fonctionnement du Fonds de Promotion de l’Habitat Social (FPHS), fonds qui servira à financer les opérations de production de logements sociaux ; Décret portant détermination des modalités d’organisation et de fonctionnement du Fonds de Garantie des Prêts (FGP) ; Décret portant organisation et fonctionnement du Fonds de Bonification des Intérêts (FBI) ; et Décret portant détermination des tranches des revenus faibles et intermédiaires.[1] De même, les projets de textes visant la réduction des nombreuses étapes de la procédure d’acquisition de parcelle y compris celle d’obtention du permis de construire ainsi que de la délivrance de l’arrêté de cession de gré à gré ou de l’attestation de propriété sont en élaboration.[2]De plus, la paralysie de la BHT pendant cinq ans durant (2017 à 2021) révèle clairement une carence structurelle. Finalement, après plus d’une décennie, le dispositif législatif de promotion et développement de l’habitat décent à prix abordable n’est pas complet en dépit des discours et promesses politiques.
[1] Entretien téléphonique avec Mr Alaina, Y. P. Direction Générale du MATDUH, 6 August 2020, N’djaména, Tchad.
[2] Entretien faca à face avec Zoukalne, P. Direction des Domaines, Enregistrements et Timbres, 7 Août 2021, N’djaména, Tchad.
Opportunités
Malgré la bonne volonté du gouvernement à réaliser des logements sociaux d’une part et les besoins de logement de plus en plus croissants d’autre part, les investisseurs étrangers sont réticents eu égard au climat politique et socioéconomique qui sévit actuellement au Tchad. En effet, la transition militaire installée depuis le 20 avril 2021 pour une période de 18 mois a réorienté les priorités nationales vers l’organisation du dialogue national inclusif et des élections libres et transparentes. Ainsi, tout l’espoir suscité par les mesures incitatives du gouvernement prises en 2020 (exonérations des taxes sur les matériaux de construction, promesse de mise en place effective du fond de souveraineté en faveur de la BHT et de promulgation effective des décrets règlementaires en instance ainsi que les possibilités de distribution des terrains viabilisés) s’est subitement estompé jusqu’à la fin de la transition. Naturellement, cette période de ralentissement des investissements publics profite aux riches propriétaires immobiliers qui fournissent la totalité des logements locatifs dans les centres urbains du pays.
Néanmoins, le pays étant pratiquement vierge en matière de logements décents, il y a toujours de nombreuses et variées opportunités d’investissement. Plus encore, le relogement des 190 000 sinistrés des récentes inondations constitue certainement une très grande opportunité à court terme d’investissements dans l’immobilier au Tchad.
Données relatives sur le financement du logement
Au Tchad, les défis de disponibilité, de fiabilité, de qualité et d’exhaustivité des données statistiques persistent. Etant donné que les principales sources des données nécessaires à la rédaction du profil sont les sociétés immobilières essentiellement la SOPROFIM, les banques primaires, l’INSEED, les services techniques du Ministère des affaires foncières et du Ministère de Finance, il reste toujours très difficile d’obtenir à temps et sur demande des données foncières et financières primaires fiables. En fait, ces administrations publiques ou privées et surtout les banques, refusent catégoriquement de fournir les données en leur possession. Aussi, les données demandées sur le Tchad sont plutôt très rares sur internet et manquent souvent de sources vérifiables. Par ailleurs, l’auteur constate que pour cette année, les données de la BEAC, mises à disposition par la CAHF ne sont pas actualisées.
Devant cette situation, l’auteur a fait recours essentiellement aux relations personnelles avec des personnes clés identifiées depuis 2019 à savoir le Directeur Général du Ministère des Affaires Foncières et du Développement de l’Urbanisme et de l’Habitat, le Directeur des Opérations de la SOPROFIM, le Conseiller du Directeur des Domaines, pour la collecte des données annuelles en vue de la rédaction du présent profil.
Informalité urbaine
Avec un taux de croissance de la population de 2.96% et une population estimée à 16 425 859 habitants en 2020 dont 3 863 362 soit 23.52 % vivant dans les villes[1], l’informalité urbaine demeurera chronique pendant longtemps au regard des difficultés socioéconomiques actuelles où tout est prioritaire au Tchad. En effet, les services sociaux de base sont faibles avec une disparité croissante entre les zones urbaines et rurales. Les plus récentes estimations de l’OMS et de l’UNICEF font état d’un taux de 78% d’accès à l’eau potable pour le milieu urbain contre seulement 32%, ce qui représente moins de la moitié en milieu rural.[2] De même, l’accès aux services d’assainissement est très limité se chiffrant à 3% de la population en milieu rural ayant accès à un assainissement de base et 82% de la population obligée à pratiquer la défécation à l’air libre.[3]
L’informalité urbaine est essentiellement imputable à la démographie galopante et son corollaire l’exode rural massif ainsi que l’absence totale de programme d’urbanisation gouvernemental cohérent. Cette informalité est caractérisée par des occupations anarchiques des espaces non viables et impropres aux établissements humains d’une part et d’autre part par l’incapacité du pouvoir public à satisfaire les nombreuses demandes de parcelle loties. En fait, à cause des difficultés d’accès à la terre en centre-ville, une importante proportion de la population urbaine vit dans des bidonvilles caractérisés par des logis précaires et inadéquats, des abris de fortune, sans eau potable ni latrines. Bref, à défaut de recensement spécifique de la population vivant dans les bidonvilles, la problématique de l’urbanisation anarchique et sa pression sur le logement en milieu urbain sont manifestes au Tchad. Cette situation s’est considérablement dégradée par les récentes inondations qui ont provoqué la création de plusieurs camps d’accueil des sinistrés dans les 7è, 9è et 10è arrondissements de la capitale dont le dernier camp de Walia Hadjarei a dû être déguerpi de force par les autorités en juillet 2021.
Par ailleurs, il faut relever que les efforts du gouvernement pour améliorer ces zones en 2021 sont principalement le reprofilage des digues de protection dans le 9e arrondissement le plus affecté par les inondations de 2020 ainsi que l’assistance alimentaire et en abri des sinistrés par les organisations humanitaires de la place.
[1] Banque Mondiale. (2020). Indicateur de développement dans le monde de la Banque Mondiale. https://data.worldbank.org/indicator/ SP.URB.TOTL.IN.ZS ?locations=TD (Consulté le 20 août 2021)
[2] Gouvernement du Tchad – UNICEF (2019) Stratégie Nationale de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène en milieu scolaire (2018-2030) : Pour des programmes durables, inclusifs et équitables (publié le 5 Juin 2015) ; Stratégie Nationale de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène en milieu scolaire (2018-2030) : Pour des programmes durables, inclusifs et équitables – Chad | Relief Web (accédé le 25/08/21).
[3] Gouvernement du Tchad – UNICEF (2019) Stratégie Nationale de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène en milieu scolaire (2018-2030) : Pour des programmes durables, inclusifs et équitables (publié le 5 Juin 2015) ; Stratégie Nationale de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène en milieu scolaire (2018-2030) : Pour des programmes durables, inclusifs et équitables – Chad | Relief Web (accédé le 25/08/21).
Sources additionnelles
- AfDB (2020). Economic Outlook 2020 Supplement Amid Covid-19
- Suivi des prix des principaux produits alimentaires pendant la période de Covid-19, Mai 2020.
- Loi de Finance 2021 de la République du Tchad
- CAHF (2019). Yearbook 2019 on Housing Finance in Africa, A review of Africa’s housing finance markets.
- CAHF (2020). Yearbook 2020 on Housing Finance in Africa,
- Tchad, Ministère de l’Economie et de la Planification du Développement (2017), Plan National de Développement 2017-2021.
- Zoukalné, P. (2021), Politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural : Une analyse critique des initiatives en cours dans le périmètre du Projet d’Aménagement Hydro-Agricole du Barh Linia au Tchad (PAHA-BL), Mémoire de Master recherche non publié, Université de N’Djaména, Faculté des Sciences Humaines et Sociales, Département de Géographie
Sites internet
- SOPROFIM, https ://www.soprofim.com
- MATDHU, https:// www.muat.gov.com
- Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques et de Développement https://inseed.td.net
- UN Habitat https://unhabitat.org
- United Nations https://data.un.org/