Financement du logement : Tchad
Vue d'ensemble
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La population du Tchad atteindra 16 914 985 en 2021, en croissance de 2,9 % par an. Le logement urbain abordable est crucial, la population urbaine augmentant plus rapidement que la population générale (4% par an) et atteignant 4 022 553 en 2021 (1 471 115 à N’Djamena). Aucune production de logements sociaux n’a répondu à un besoin de 10 ans de 125 000 unités depuis 2012. L’énorme déficit a conduit à l’occupation informelle de zones vulnérables et de quartiers informels sans routes, eau, assainissement ou électricité. Le Tchad doit également abriter 450 000 réfugiés soudanais, centrafricains et nigérians.
Le COVID-19 et la guerre en Ukraine ont exacerbé la situation économique difficile du pays, entraînant une croissance négative (-1,2) du PNB en 2021 et une augmentation de l’inflation (de -5,45 % en 2020 à +7,2 % en 2021). Le Tchad enclavé importe des marchandises. Le coton, le bétail, le bétail et la gomme arabique contribuent également de manière significative aux recettes d’exportation du pays.
Le Tchad dispose d’un plan national et provincial de gestion des changements climatiques liés aux catastrophes. 11 des 23 provinces ont été inondées depuis la mi-juillet 2022. Les villes non drainées sont inondées. 341 056 personnes s’étaient inscrites pour les secours contre les inondations en août 2022. 18 personnes sont mortes dans des effondrements de maisons liés aux inondations.
42% de la population tchadienne est pauvre, ce qui rend le logement inabordable. La population urbaine fait passer la demande de logements de 12 500 par an à 125 000 d’ici 2025. Les parcelles viabilisées de la SOPROFIM coûtent 8 000 FCFA le m2. Les prêts immobiliers ou hypothécaires nécessitent entre 300 000 $ et 500 000 $ par mois.
Le Tchad ne refinance pas. ECOBANK, CBT et ORABANK facturent de 7 à 11,5 % sur les prêts amortissables. 7% de prêteurs supplémentaires ont émergé malgré le besoin de crédits immobiliers. Les particuliers représentent 12,41 % de l’ensemble des prêts amortissables accordés par les banques locales en 2018. Le COVID-19 a réduit le pouvoir d’achat des citadins et ralenti la construction de logements. Les hypothèques individuelles sont proposées par les trois grandes banques et BHT. L’autofinancement familial est essentiel, malgré ses limites. Les institutions de microfinance offrent aux femmes des prêts de 1 587 $ pour des terrains non bâtis avec des périodes de remboursement de 12 mois et des intérêts élevés (24 % par an).
Le marché risqué empêche les investisseurs d’acquérir les 62 logements de la SOPROFIM. Les logements inabordables alimentent l’auto-construction des bidonvilles. La cuisson des briques cause des dommages à l’environnement. En termes de durabilité, les briques de terre stabilisées pour la construction (BTS) pourraient être utilisées pour construire des logements décents au Tchad et dans d’autres pays en développement.
Vous pouvez accéder ci-dessous à plus d’informations sur le secteur du financement du logement du Tchad, y compris les principaux intervenants, les principales politiques et l’accessibilité au logement:
- Introduction
- Accès au financement
- Abordabilité
- Offre de logements
- Marchés immobiliers
- Politique et législation
- Opportunités
- Données relatives sur le financement du logement
- Applications vertes pour le logement abordable
- Sources additionnelles
- Sites internet
Tchad
Introduction
Le Tchad fait face à un déficit de logements abordables pour loger une population estimée à 16 914 985 d’habitants en 2021 et qui croît de 2,9 % par an.[1] Avec une population urbaine qui croit plus vite que la population générale (4 % par an)[2] et qui a atteint 4 022 553 habitants en 2021 soit 23,78 %[3] dont 1 471 115 personnes vivent à N’Djaména la capitale[4], les besoins en logements sont de plus en plus accrus. Sur un besoin décennal estimé à 125 000 logements depuis 2012[5], aucune production substantielle de logements sociaux n’est enregistrée depuis plus d’une décennie. Il en résulte un déficit important, source d’occupations anarchiques des zones non-constructibles et de création des quartiers spontanés dépourvus d’équipements et services de base (voiries, eau, assainissement et électricité). La difficile situation économique que traverse le pays depuis 2015 a induit une croissance négative (- 1,2) du Produit National Brut (PNB) en 2021[6] et une inflation galopante (passant de -5,45 % en 2020 à +7,2 % en fin 2021)[7] accentuée par la guerre en Ukraine qui n’épargne pas le Tchad, qui est de surcroit un pays très enclavé. De même les taux des prêts immobiliers ne baissent pas, limitant les possibilités de prêts hypothécaires au point que les particuliers ne représentent que 12,41 % de tous les prêts amortissables accordés par toutes les banques locales en 2018[8].
Même si un plan de gestion des risques et de riposte des catastrophes naturelles existe aussi bien au niveau national qu’au niveau des provinces pour mitiger les risques liés aux changements climatiques, sa mise en œuvre pratique se heurte chaque année à un manque de préparation des responsables publics. Pour preuve, le pays est en train d’expérimenter depuis mi-juillet 2022, les effets pervers des changements climatiques manifestés par des pluies diluviennes qui ont généré des inondations précoces et généralisées dans 11/23 provinces. Ainsi, plusieurs villes ne disposant pas de réseaux de drainage appropriés sont envahies par les eaux. Par conséquent, 341 056 personnes sinistrées sur l’ensemble du pays sont enregistrées en date du 24 août 2022.[9] De même, un bilan provisoire fait état de 18 morts enregistrés à la suite des écroulements de maisons selon la même source.
En somme, le pays étant sous transition militaire et confronté à des difficultés financières aigues, la problématique du financement des logements sociaux se résume dans la déclaration d’un ancien Secrétaire Général du Ministère des affaires foncières comme suit : « Nous étions allés en 2012 à la BDEAC négocier un financement pour la Société de Promotion foncière et immobilière (SOPROFIM). La BDEAC a octroyé 10 milliards de CFA et la SOPROFIM devrait amener 12 milliards avec pour objectif de construire 125 000 logements sociaux à l’horizon 2025. Mais la principale difficulté réside au niveau des entreprises qui signent des contrats avec le gouvernement avant de chercher des financements avec les banques, d’où le retard ».[10] Curieusement, cette situation perdure car toutes les conventions négociées et signées avec des investisseurs nationaux et étrangers depuis 2012 à nos jours n’ont pas abouti en dépit de l’érection des « échantillons » sur des parcelles réservées en plein centre-ville de N’Djaména.[11]
[1] International Data 2022 Chad, CAHF excel sheet, https://data.worldbank.org/indicator/ SP.POP.TOTL ?locations=TD
[2] International Data 2022 Chad, CAHF excel sheet https://data.worldbank.org/indicator/ SP.URB.GROW ?locations=TD
[3] International Data 2022 Chad, CAHF excel sheet, https://data.worldbank.org/indicator/ SP.URB.TOTL.IN.ZS ?locations=TD
[4] Banque Mondiale, Doing Business 2020, Economy Profile Chad, p.3
[5] Ngarbé, F. (2012), Tchad : les logements sociaux, un idéal pieux | Tchadinfos.com, boutique.tchadinfos.com, (le 18/08/2022)
[6] International data Chad, CAHF excel sheet, https://data.worldbank.org/indicator/ NY.GDP.MKTP.KD.ZG ?locations=TD
[7] Banque Mondiale, Tableau Excel fourni par le CAHF, API_TCD_DS2_en_excel_v2_4263525.xls – Google Sheets (25/08/2022)
[8] BEAC, ‘Evolution des taux débiteurs pratiqués par les établissements de crédit dans la CEMAC au 2ème Semestre 2018’, Yaoundé, avril 2019 p39
[9] https://www.alwihdainfo.com/Tchad-au-moins-341-056-sinistres-d-inondations-bilan-provisoire_a116409.html (le 25/08/2022)
[10] Ngarbé, F. (2012), Tchad : les logements sociaux, un idéal pieux | Tchadinfos.com, boutique.tchadinfos.com, (le 18/08/2022)
[11] Entretien téléphonique le 23 août 2022 avec M. Alaina, Tél 66 31 60 13, Secrétaire Général du MAFDUH, N’Djaména, Tchad
Accès au financement
Le Tchad dispose d’un environnement théoriquement propice au financement des logements sociaux depuis l’élaboration et l’adoption de la stratégie nationale de logements en 2012 qui avait engendré la création de SOPROFIM (en 2014) et de la Banque de l’Habitat du Tchad (BHT) en 2017.[1] Malheureusement, ces deux institutions clés ne sont pas pleinement opérationnelles faute surtout de la non-constitution du fonds de garantie par l’État. Donc, l’accès aux prêts immobiliers formels auprès de la BHT est simplement impossible.[2] Même s’il n’y a pas de discrimination formelle entre hommes et femmes pour accéder aux prêts sans autorisation préalable pour les femmes, leur pourcentage reste très faible comparé à celui des hommes.
Concernant les prêts hypothécaires et leur refinancement, il n’existe pas de société de refinancement hypothécaire opérationnelle au Tchad. Les trois principales banques (ECOBANK, CBT, ORABANK) qui accordent des prêts amortissables, appliquent des taux d’intérêts variant de 7 à 11,5 %[3] ; ce qui est élevé. C’est pourquoi, une hausse de 7 % seulement du nombre des prêteurs a été enregistrée alors que les besoins de prêts immobiliers sont immenses.
Par ailleurs, la COVID-19 a impacté négativement le rythme des constructions individuelles à cause de la chute des pouvoirs d’achats ou simplement de la perte de revenus des citadins. À part les trois banques mentionnées ci-dessus et la BHT, aucune nouvelle institution n’offre des possibilités de financement du logement individuel.[4] Dès lors, l’autofinancement s’impose avec toutes ses limitations et implications au niveau de l’économie familiale. De plus, les femmes n’ont aucun privilège par rapport aux hommes dans l’accès aux prêts immobiliers. Néanmoins, il est observé que ces dernières, plus familières aux institutions de microfinance qu’aux banques formelles, bénéficient des prêts modestes (inférieurs à 1 000 000 CFA soit 1 587 US$) pour achat de terrains non lotis avec des délais de remboursement maximum de 12 mois et des taux d’intérêts élevés (2 % par mois ou 24 % par an).[5]
En l’absence de système national de tarification normalisée, chaque institution négocie les intérêts avec les clients au cas par cas.[6] Néanmoins, il est observé que les femmes opérant dans l’industrie de construction sont plutôt rares car leurs entreprises ne bénéficient pas de préférence par rapport à celles des hommes. Apparemment, des bureaux d’assistance technique aux demandeurs de crédits n’existent pas. Alors, parler de disponibilité du financement de la construction au Tchad serait difficile à prouver comme le marché est très limité et l’institution dédiée à cette activité, la BHT, n’est pas opérationnelle faute de fonds de garantie dont la constitution est un préalable au démarrage effectif du guichet immobilier. En effet, l’État n’a pas rempli ses obligations de mise en place du fonds de garantie depuis plusieurs années malgré l’annonce formellement faite en 2017 à l’ouverture officielle de la BHT.
[1] Entretien téléphonique le 23 août 2022 avec M. Alaina, Tél 66 31 60 13, Secrétaire Général du MAFDUH, N’Djaména, Tchad
[2] Entretien en face-à-face avec Ali Mahamat (Chef d’Agence centrale de ORABANK, Ndjaména, Tél. +235 66299790 (22/08/2022)
[3] Entretien en face-à-face avec Ali Mahamat (Chef d’Agence centrale de ORABANK, Ndjaména, Tél. +235 66299790 (22/08/2022)
[4] Entretien téléphonique le 23 août 2022 avec M. Alaina, Tél 66 31 60 13, Secrétaire Général du MAFDUH, N’Djaména, Tchad
[5] Entretien téléphonique avec M. ISRAEL, SG de l’Association des Etablissements de microfinances du Tchad Tél. +235 66 44 59 69
[6] Entretien en face-à-face avec Ali Mahamat, Chef d’Agence centrale de ORABANK, Ndjaména, Tél. +235 66299790 (22/08/2022)
Abordabilité
La demande en logements, estimée à 12 500 unités par an avec un objectif fixé à 125 000 logements à horizon 2025[1], croît proportionnellement à la population urbaine. Or, en tout 132 logements (70 dans la parcelle de la Patte d’oie sur financement d’ONU-Habitat et 62 sur la parcelle de Toukra-Mousgoun financés par Shelter Africa) ont été fournis à ce jour. On peut déduire aisément que la majorité de citadins louent leur logement, y compris les ménages dirigés par les femmes, qui représentaient déjà 22,1 % de la population urbaine en 2015.[2]
Avec un taux de chômage national de 1,13 % en 2018 contre celui des diplômés qui est de 14,2 %[3], l’offre d’emplois est limitée. En dépit d’un SMIG décrété en 2010 de 60 000 CFA (95,24 US$) par mois pour les agents contractuels de l’État, les ménagères et agents de sécurité travaillant chez des privés gagnent en moyenne 40 000 CFA (63,49 US$) net par mois. Les militaires et policiers débutants ont des traitements qui ont été revalorisés en début 2022 à près de 90 000 CFA (155,55 US$) par mois. Bien entendu, ces revenus ne suffissent pas pour prétendre à un logement décent qui coûterait plus de 12 500 000 CFA (19 841 US$) pour 75m² bâtis.[4]
A cause de la grande demande de parcelles loties dans les centres urbains d’une part et la spéculation foncière entretenue par des courtiers et chefs des terres d’autre part, l’accès à une parcelle viabilisée ne se fait que par achat à SOPROFIM à 8 000 CFA (12,70 US$) par m². Ce coût élevé oblige tous les habitants à revenus faibles à acheter des parcelles non loties, sujettes aux risques de déguerpissement. Cependant, les acquisitions par héritage ne sont limitées que dans les anciens quartiers mal desservis.
Les revenus mensuels éligibles aux prêts immobiliers ou hypothécaires sont compris entre 300 000 CFA (476,19 US$) et 500 000 CFA (793,65 US$) ; ce qui limite d’office l’accès à une grande frange de la population. Le loyer minimum d’une maison de 3 pièces en terre battue en périphérie de N’Djaména coûte 30 000 CFA (47,61 US$) auxquels il faut ajouter le coût mensuel de l’approvisionnement en eau à 3 000 CFA (4,76 US$) et du gaz subventionné à 2 000 CFA (3,2 US$) par bouteille. Ainsi, sans subvention substantielle de la part du gouvernement, l’accès au logement décent restera un défi permanent à la majorité des Tchadiens.
[1] Ngarbé, F. (2012), Tchad : les logements sociaux, un idéal pieux | Tchadinfos.com, boutique.tchadinfos.com, (18/08/2022)
[2] Banque Mondiale, Tableau Excel fourni par le CAHF, API_TCD_DS2_en_excel_v2_4263525.xls – Google Sheets (25/08/2022)
[3] Banque Mondiale, Tableau Excel fourni par le CAHF, API_TCD_DS2_en_excel_v2_4263525.xls – Google Sheets (25/08/2022)
[4] Entretien téléphonique avec Abel Walendom, Architecte à N’DJaména, Tél. +235 69050201
Offre de logements
Dans les centres urbains, les propriétaires immobiliers sont minoritaires car la majorité des habitants sont des locataires informels (sans contrat écrit). Le type de construction dominant est constitué de murs en briques cuites liaisonnées au mortier de terre tandis que pour la fondation, un mortier de ciment est utilisé comme protection. Le style d’habitat au Tchad est caractérisé par la cohabitation de plusieurs ménages dans une concession où ils partagent la cour, les latrines, l’eau et l’électricité. Parmi ces locataires, il y a une forte proportion des femmes seules avec enfants en charge qui ne peuvent pas acheter une parcelle et y bâtir dans le contexte présent.
Trois tailles de parcelles ont été loties en urgence et attribuées aux sinistrés des inondations de 2010 et 2012, recasés au quartier Toukra, dans le 9e Arrondissement de N’Djaména. Il s’agit de : 225m², 360m² et 450m². En fait, plusieurs programmes gouvernementaux de mise à disposition rapide des terres aux nombreux déguerpis et sinistrés de 2008 à 2015 ont été initiés par la Commune de N’Djaména mais le seul programme qui a atteint des résultats palpables est celui des sites A et B du quartier Toukra, sommairement viabilisés dont les parcelles ont des Arrêtés de Cession de gré-à-gré payé par l’État. Ainsi, plus de 5 000 ménages ont bénéficié des parcelles dont les tailles sont équivalentes à celles perdues du fait des inondations. En sus, le programme prévoyait initialement une subvention monétaire pour la construction des logements modestes sur ces parcelles mais cette étape n’a pas été concrétisée.[1]
Les projets de construction des logements sociaux lancés par le Président de la République à Gassi (2015) et Toukra (2016) n’ont pas connu de début d’exécution. Seul le projet de 100 logements financé par Shelter Africa est en cours d’exécution, dont 62 unités de la phase 1 sont réceptionnées et la vente est lancée début 2022. Dans ce domaine, on constate que le secteur privé est totalement absent du fait de l’environnement actuel non propice (insécurité généralisée, crise économique persistante, corruption généralisée, lourdeur administrative, manque de justice équitable, etc.). Ces facteurs défavorables aux affaires ont relégué le Tchad au 182e rang sur 190 pays avec un score de 36,90.[2]
Les infrastructures de base sont insuffisantes, incomplètes et mal réparties entre l’urbain et le rural. Par exemple, le taux d’accès à l’eau potable est de 74,19 % en 2020 en milieu urbain contre seulement 37,57 % en milieu rural. Le taux d’accès à l’assainissement est de 34,54 % en ville contre 12,06 % en milieu rural.[3] Concernant l’électricité, un branchement d’une ligne électrique comprend six étapes qui durent 67 jours ; ce qui réduit le taux d’accès à l’électricité au niveau national à 9,6 %. Non seulement l’accès est difficile, la disponibilité est plus qu’aléatoire au point que le Tchad est classé 180e/190 avec un score de 32,2/100.[4]
Par ailleurs, la cherté des logements est imputable essentiellement à l’absence totale de valorisation industrielle et artisanale des matériaux locaux de construction pourtant très abondants : calcaire, argile, sable pluvial et de carrière, pierres, etc. Même le ciment fabriqué localement coûte 8 500 CFA (13,5 US$) rendu chantier contre 5 000CFA (7,94 US$) dans les pays voisins (Soudan, Cameroun et Nigeria). Pour les matériaux importés par exemple, le prix du fer à béton de 6mm est passé de 1 750 CFA (2,78 US$) à 2 850 CFA (4,52 US$) et le kilogramme de pointes passe de 1 000 CFA (1,59 US$) à 1 250 CFA (1,98 US$).[5] Comme le plus proche port maritime est Douala au Cameroun à 2 000km, les matériaux importés reviennent très chers. La valeur de tous les matériaux entrant dans la construction d’un bâtiment représente 225 000 CFA (357,14 US$) soit 75 % sur 300 000 CFA (476,20 US$) par mètre carré bâti. Dans cette proportion, le coût de tous les matériaux importés à savoir fers à béton, carreaux, profilés métalliques, matériels et appareils de plomberie et électriques, peintures, bois de coffrage et de charpente, vitres, serrures, etc. peut dépasser les 60 % du coût total.
Cependant, le coût moyen de la main d’œuvre est estimé par les professionnels des BTP à 25 % du coût total de construction tous frais compris soit 75 000CFA (119,05 US$) par mètre carré bâti. Le nombre moyen des employés (toutes catégories confondues) dans un chantier de construction de logement de 30 000 000CFA (47 619,05 US$) est de 15 personnes pour un temps de travail de quatre mois.
La règlementation des normes et règles en construction est implémentée par la Direction de l’Urbanisme des communes, de même que l’agrément des promoteurs immobiliers ou la délivrance des permis de bâtir. Malgré la dernière réforme apportée en 2019 qui ne s’applique pas encore intégralement dans toutes les communes, la durée d’obtention du permis de bâtir est de 226 jours et les charges inhérentes à sa délivrance sont estimées à 18,8 % du coût total des travaux[6] ; ce qui justifie un très faible taux d’enregistrement des titres fonciers estimé à peine à 11,44 % par an.
[1] https://www.letchadanthropus-tribune.com/tchad-de-walia-a-toukrades… (29/08/2022)
[2] Banque Mondiale, Doing Business 2020, Economy Profile Chad, p.3
[3] Banque Mondiale, Tableau Excel fourni par le CAHF, API_TCD_DS2_en_excel_v2_4263525.xls – Google Sheets (25/08/2022)
[4] Banque Mondiale, Doing Business 2020, Economy Profile Chad, p.3
[5] Entretien face-à-face avec le Quincailler Barah, Tél. +235 66337020
[6] Banque Mondiale, Doing Business 2020, Economy Profile Chad, p.3
Marchés immobiliers
Le marché immobilier résidentiel n’est pas dynamique au Tchad car le nombre total des titres fonciers délivrés est de 9 454 contre 8 368 en 2021 soit 11,44 % d’augmentation. Ces titres sont accordés indistinctement aux femmes comme aux hommes. En fait, le régime foncier est supposé être géré par le Guichet Unique pour un traitement rapide et sécurisé des dossiers pour réduire la durée de délivrance mais la performance de cette institution est peu performante eu égard aux résultats. Pire, les machines en panne depuis 2021 ne seraient pas encore réparées.
Le mécanisme d’enregistrement des transactions foncières et immobilières est suivi par le Service des Domaines du ministère des Finances. Cependant, le nombre précis des transactions réalisées au cours d’une période donnée n’est pas disponible. Comme, le marché foncier au Tchad est sujet à une spéculation incontrôlable, un accaparement des terres urbaines et rurales par les plus nantis et une prolifération des démarcheurs ; il en résulte d’innombrables litiges fonciers enregistrés aux tribunaux.
Le type de logements disponibles et accessibles aux revenus modestes est le « chambre–salon » dont le loyer mensuel moyen est de 30 000 CFA (47,62 US$) alors que le loyer d’un appartement moderne de type F3 est de l’ordre de 300 000CFA (476,20 US$) par mois.[1] Cependant, il est observé une stabilisation des loyers imputable probablement à l’augmentation de l’offre due à l’accélération de l’autoconstruction dans les quartiers périphériques de plus en plus denses. Enfin, le nombre des propriétés inscrites au paiement des taxes foncières n’est que de 9 454 en date du 13 juillet 2022. Cette faible performance s’explique par les longues procédures administratives et les coûts inhérents élevés.
[1]Entretien face-à-face le 27 août 2022 avec M. Franklin, Tél 66 82 13 11, Agent du Notaire RANDA, N’Djaména, Tchad,
Politique et législation
Le gouvernement n’agit dans la fourniture de logements qu’au travers de SOPROFIM, censée promouvoir la vente des parcelles et des logements sociaux aux demandeurs qualifiés. La contribution de l’État s’est limitée à créer un environnement propice aux promoteurs ainsi que l’attribution gratuite des sites pour la construction de la première série de logements sociaux. Aucune subvention officielle n’est accordée à aucun service au logement. Profitant de cette faiblesse étatique, des particuliers sont très actifs dans l’immobilier et ont construit des appartements gérés par leurs propres agences immobilières informelles à N’Djaména.
L’arsenal législatif et règlementaire n’a pas changé. Il en est de même de la politique gouvernementale et du cadre juridique qui sont restés les mêmes depuis 2020. Cependant, les normes et prescriptions techniques en matière de construction écologique sont au stade de vulgarisation. Pourtant, les aménagements paysagers (plantation d’arbres et fleurs) sont désormais exigés avant la délivrance du permis de bâtir. Enfin, outre le Guichet Unique, ce sont les Domaines et le Cadastre qui gèrent, chacun en ce qui le concerne, les régimes fonciers et les droits de propriété ainsi que leur conservation. Il n’y a pas encore de portail numérique accessible directement au public.[1]
[1] Entretien téléphonique le 23 août 2022 avec M. Alaina, Tél 66 31 60 13, Secrétaire Général du MAFDUH, N’Djaména, Tchad
Opportunités
La transition militaire en cours n’offre pas d’opportunités de développement du secteur de l’habitat. Même les 62 logements produits par SOPROFIM ne sont pas tous vendus parce que les investisseurs sont méfiants ou hésitent à investir dans un environnement aussi risqué.[1] Cette carence d’offre de logements abordables a favorisé l’autoconstruction massive dans les bidonvilles. Les murs de ces logements sont construits avec des briques cuites. Or, la cuisson massive des briques impacte négativement l’environnement marqué ces dernières années par des changements climatiques susceptibles de compromettre de plus en plus l’avenir si les mesures conservatoires de protection prises ne sont pas appliquées avec rigueur. Aussi, faute d’alternative technologique innovante pour soutenir l’amélioration des logements, ceux autoconstruits sont peu confortables. Pourtant, l’amélioration et la vulgarisation des Briques en Terre Stabilisés (BTS) pourrait être envisagée comme alternative durable dans la production des logements décents au Tchad à l’instar d’autres pays.
Bien que le rôle du secteur privé dans la construction des logements abordables ne soit pas négligeable, l’environnement socio-économique actuel, caractérisé par une insécurité généralisée, des sanglants conflits agriculteurs–éleveurs répétitifs, l’extrême pauvreté des populations, le risque financier très élevé, un système judiciaire faible, un réseau bancaire fragile, etc., n’est pas favorable aux investissements privés nationaux comme étrangers. Certes, des opportunités existent mais tant que cet environnement défavorable ne change pas et tant que les entrepreneurs tchadiens ne prennent pas eux-mêmes le lead de l’industrie de logements sociaux, il serait difficile de convaincre des prêteurs étrangers d’investir dans le secteur.
En conclusion, le développement de logements progressifs s’impose comme unique alternative pour pallier le manque d’offre de prêts immobiliers. Les principaux défis à adresser urgemment sont surtout l’amélioration de la qualité et la promotion des matériaux locaux, l’extension ou création des réseaux d’eau potable, de voiries urbaines, d’assainissement et d’électricité dans les quartiers périphériques pour favoriser l’autoconstruction.
[1] Entretien téléphonique le 27 août 2021 avec Directeur d’Exploitation de SOPROFIM, N’Djaména, Tchad,
Données relatives sur le financement du logement
Les données recherchées pour l’annuaire existent mais sont disséminées dans différents services suivants : Banques, Cadastre, Domaines, Service Voiries des communes, Urbanisme, Notaires, etc… Aucune organisation n’est spécialement dédiée à la collecte des données spécifiques sur le financement du logement même si le Guichet Unique devait jouer ce rôle. L’INSEED, censé collecter périodiquement les données socio-économiques du pays, n’a pas les moyens de le faire. Dès lors, les défis d’accès et de collecte des données demeurent la disponibilité en temps réel, la fiabilité, la qualité et l’exhaustivité auxquels il faut ajouter le manque de collaboration totale des agents publics qui sont réticents à fournir ces données en dépit des lettres d’introduction du CAHF. Le plus souvent, les données sont incomplètes et éparses nécessitant un traitement avant diffusion. En vertu de la politique de parité imposée dans les nominations aux postes officiels, les données collectées par les enquêtes ciblées ou recensement national sont ventilées par genre et par cibles (jeunes et femmes).
Pour le présent profil, les données collectées par l’auteur l’ont été grâce aux relations personnelles établies depuis 2019 dont le Directeur d’Exploitation de SOPROFIM, le Secrétariat Général du Ministère, le Conseiller aux Domaines, le chef d’Agence ORABANK. Enfin, il est constaté que les données de la BEAC, mises à disposition par le CAHF ne sont pas actualisées ces deux dernières années.
Applications vertes pour le logement abordable
Les normes de construction écologiques sont définies par les lois sur la construction, l’habitat et l’urbanisme promulguées depuis 2010. La contrainte majeure est la mise en place des textes d’application et leur vulgarisation auprès du public. Les prérogatives de faire respecter ces normes écologiques reviennent au Ministère de tutelle qui n’a pas créé l’organe de surveillance dédié en la matière.
Le système de certification EDGE qui désigne en Anglais « Excellence in Design for Greater Efficiencies » dont l’objectif est de réduire d’au moins 20 % la production du gaz à effet de serre, n’est pas bien connu au Tchad. Par conséquent, aucun produit particulier n’est disponible pour permettre aux ménages d’atteindre un bon niveau de vie écologique dans leurs logements. Bref, l’habitat « vert » y compris tout produit moderne d’amélioration du cadre de vie sont méconnus du citoyen ordinaire. Ainsi, aucun fournisseur officiel des produits de construction écologique n’opère sur place de même qu’aucune banque locale n’offre de tels services aux clients. Cependant, toutes les questions liées à la promotion et au développement des bâtiments écologiques et économes en énergie sont traitées au niveau des décideurs car aucun promoteur ni entreprise privée n’est déjà opérationnel sur le terrain.[1]
Quand bien même le pays dispose d’autres sources d’énergie renouvelables (solaire, éolienne et hydraulique), la source d’énergie électrique est exclusivement thermique donc émettant fortement du carbone. Aussi, la capacité actuelle ne couvre que 9,6 % de la population. La fourniture d’électricité est perturbée par une baisse de tension et des délestages intempestifs et disponible seulement trois jours sur sept par semaine. Hormis les ménages privilégiés qui disposent de l’eau et d’électricité, la majorité de la population (90 %) n’ont pas du tout accès à l’électricité au Tchad.[2]
[1] Entretien téléphonique le 23 août 2022 avec M. Alaina, Tél 66 31 60 13, Secrétaire Général du MAFDUH, N’Djaména, Tchad
[2] Banque Mondiale, Doing Business 2020, Economy Profile Chad, p.3
Sources additionnelles
- Loi de Finance 2022 de la République du Tchad
- CAHF (2021). Yearbook 2020 on Housing Finance in Africa,
Sites internet
- SOPROFIM, https ://www.soprofim.com
- MATDHU, https:// www.muat.gov.com
- United Nations https://data.un.org/