Les Marchés Du Residentiel Locatif En Afrique Et Covid-19 : Quel Impact De La Pandemie Sur Ces Marchés Et Quelles Mesures En Vue De La Garantie De Sa Resilience Temporaire ?

Depuis le début du mois de Mars 2020, presque tous les pays à travers le monde sont entrés en État d’urgence sanitaire (EUS) dans le but de protéger leurs citoyens et leurs économies exposés à la menace de la pandémie du Covid-19. Cet EUS inclus entre autres des mesures prévoyant le confinement volontaire ou forcé, la quarantaine, le couvre-feu, le respect des règles d’hygiènes de bases, etc. Chacune de ces mesures étant implémentées selon le degré de contamination dans chaque pays à travers le monde.

Le but de ces mesures étant de freiner la propagation du Covid-19 parmi la population mondiale, l’élément commun de chacune d’entre elles tourne autour de l’isolement et/ou de la réduction des interactions humaines non indispensables à la survie des individus.

Bien que louables, force est de reconnaitre les conséquences indirectes que pourraient avoir l’application de ces mesures sur les différents secteurs économiques nationaux, régionaux et internationaux. Parmi ces secteurs, le secteur immobilier dans son ensemble est soumis à des répercussions économiques qui affectent aussi bien ces sous-secteur — immobilier commercial, immobilier résidentiel et immobilier hôtelier — que ces différents acteurs — banques hypothécaires et commerciales, investisseurs privés et institutionnels, propriétaires et locataires.

Pour ce qui est des répercussions économiques sur les acteurs, ils sont de tous ordres. Par exemple, les locataires résidentiels s’interrogent sur leur sort — leur capacité à payer leur loyer — depuis la réduction des heures de travail et du salaire pour les uns, et la perte de revenu et/ou d’emploi pour les autres. Les propriétaires dont le train de vie dépend fortement des revenus réguliers issus du loyer de leur propriété leur permettant de déterminer parfois leur plan de liquidité annuel, de financement ou de refinancement hypothécaire, se voient désormais exposés à une incertitude et s’interrogent sur la meilleure façon de gérer une perte de leur revenu locatif à grande échelle en cas de difficultés économiques ressenties par leurs locataires.

Partant de cette analyse, les marchés du résidentiel locatif en Afrique et le rapport propriétaire-locataire, feront l’objet de cet article. Le but étant de mettre en relief l’impact de la pandémie du Covid-19 sur ces marchés et explorer des pistes de solutions et mesures, inspirées des dispositions prises dans les pays industrialisés ayant tenté de réduire les effets négatifs de cette pandémie dans ce segment du marché immobilier.

Pour soutenir notre démarche, nous définirons dans un premier temps le marché du résidentiel locatif, puis présenterons les raisons de sa fragilité face à la pandémie. En second lieu, nous explorerons quelques mesures prises au sein des pays développés pour contrôler le niveau d’exposition des propriétaires et des locataires. Enfin, nous ferons des suggestions quant à l’adoption contextuelle de certaines de ces mesures sur le continent Africain.

Le marché du locatif résidentiel : définition

C’est un marché qui est composé de l’ensemble des propriétés immobilières destinées à la location simple ou sociale dans un espace donné. La location simple est la location d’un bien immobilier à durée déterminée sur un marché libre où les couts des loyers ne sont pas déterminés au préalable. La location sociale[1] quant à elle concerne les parcs immobiliers à loyers modérés ou encadrés destinés à des personnes à revenus modestes dans l’impossibilité d’accéder à l’offre disponible sur le marché libre. Elle est traditionnellement conclue pour une durée indéterminée.

Ce rapport locatif est encadré par un contrat de location immobilière ou contrat de bail.[2] C’est un document qui s’établit entre deux parties, le propriétaire/le bailleur et le locataire et qui définit la mise à disposition de la propriété immobilière objet de la location (durée du bail, cout du bail, obligation du locataire, obligation du propriétaire, conditions de renouvellement etc.). La location ne confère pas le droit de propriété ni celui de disposer du bien (par exemple de le vendre) au locataire qui ne jouit que d’un droit d’utilisation (par exemple le droit d’habiter dans le logement loué).

Cependant il existe des cas où elle peut conduire à l’accession à la propriété. Dans ces cas, il s’agit de la location-vente. Ce type de location ne fait pas partie de notre étude et ne sera donc pas inscrit dans notre analyse des marchés locatifs résidentiels en Afrique.

Pourquoi le marché locatif résidentiel Africain ?

En 2013, selon une enquête du Crédit Foncier sur la propriété en Europe,[3] on dénombrait 70 pourcents de propriétaires et 30 pourcents de locataires à l’échelle européenne reparti dans les trois zones européennes comme suit : l’Europe de l’Est (Roumanie, Slovénie) avec 87 pourcents de propriétaires, l’Europe du Sud (Espagne, Grèce, Portugal, Italie) avec 71 pourcents et l’Europe du Nord (Angleterre, Allemagne, etc.) avec 60 pourcents.

A contrario, l’accès à la propriété en Afrique, en particulier dans le secteur urbain au niveau des grandes villes et capitales Africaines reste faible. En 2017/18/19, le Centre for Affordable Housing Finance in Africa (CAHF) a entrepris une série d’étude sur les marchés locatifs[4] en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Ouganda, en Tanzanie et en Angola[5] en vue de fournir un lot d’indicateurs initiaux qui caractérisent les différentes composantes du marché locatif résidentiel de ces pays. Le CAHF a également publié un document sur la méthodologie[6] suivie pour arriver à l’identification des différents indicateurs et données contenues dans ces études. Il ressort de ces étude qu’en Côte d’Ivoire,[7] trois quart des ménages vivants à Abidjan (78 pourcents) sont locataires ; au Sénégal,[8] à Dakar, ce taux est de 50 pourcents ; à Kampala, en Ouganda,[9] 71 pourcents des ménages sont locataires, et ; à Dar Es Salam, en Tanzanie,[10] ce taux est estimé à plus de 55 pourcents.

De plus, les données relatives à la performance du marché hypothécaire en Afrique quand elles ne sont pas disponibles, restent très faible comparé à celles des pays Européens. Par exemple, le nombre de prêts hypothécaires en cours, le pourcentage de crédits hypothécaires par rapport au PIB ne sont pas les mêmes sur les deux continents. Selon l’Annuaire sur le financement du logement en Afrique en 2019,[11] le top 5 des pays Africains avec un marché hypothécaire relativement opérationnel est composé de (dans l’ordre décroissant) la Namibie, Le Cap vert, l’Afrique du Sud, la Tunisie et le Maroc. Le nombre de crédits hypothécaires en cours dans ces pays est respectivement de 73 396 (Namibie), 1 700 436 (Afrique du Sud), et 170 425 (Maroc), les données pour le Cap vert et la Tunisie n’étant pas disponible. En termes de ratio de crédit hypothécaire par rapport au PIB, celui-ci est de 24.57 pourcents pour la Namibie contre 5.50 pourcents pour le Maroc (le dernier du top 5 Africains). Dans la plupart des pays à travers le continent, le ratio de crédit hypothécaire par rapport au PIB est de moins de 1 pourcent (cas de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Ghana, de la RDC, etc.)

En Europe, les marchés immobiliers sont plus actifs. Le crédit hypothécaire est bien souvent la dette la plus importante du ménage avec en parallèle le logement représentant l’actif le plus important de la famille.[12] Par exemple, en Hollande, l’encours total de crédits hypothécaires représentait 83 pourcents du PIB ; en Suisse il représentait plus de 90 pourcents du PIB contre presque 109 pourcents du PIB au Danemark.[13]

Les données relatives au taux de crédits hypothécaires par rapport au PIB sont d’une importance capitale pour la compréhension de la pertinence des marchés du résidentiel locatif en Afrique. En effet, ils permettent de voir que contrairement à la pratique Européenne où le crédit hypothécaire reste la forme majeure de financement du logement et de financement de l’accès au logement des ménages, cette pratique reste faiblement développée en Afrique. Le crédit hypothécaire n’est accessible qu’à une faible tranche de la population, limitant ainsi l’impact direct des banques et institutions financières dans le financement du logement. Le plus grand risque découlant de cette pandémie de Covid-19 étant la forte probabilité de défaut de paiement des emprunteurs hypothécaires, cette probabilité est à « écarter » dans le contexte des banques et institutions financières en Afrique.

Partant de cette analyse, il apparait qu’en Afrique, la pandémie aura plus d’impact sur les marchés locatifs résidentiels et sur les rapports propriétaires-locataires dans la mesure où cette formule représente la formule d’accession au logement la plus répandue. Contrairement à l’Europe où les marchés hypothécaires seraient les plus exposés en raison de la profondeur de ceux-ci (comme illustré par leur volume total en fonction du PIB par pays), les marchés hypothécaires Africains ne seront pas vraiment affectés par la baisse d’activités économiques et la réduction du capital humain. Le risque de défaut de paiement des créances hypothécaires bien qu’existant, reste marginal d’après les données sur le continent Africain.

Quelques mesures pour la protection des droits des propriétaires et des locataires à travers le monde

 Aux USA

Le 30 mars 2020, le maire de Los Angeles a émis un moratoire temporaire[14] concernant les évictions pour non-paiement de loyer de la part des locataires suite aux circonstances relatives à la pandémie du Covid-19. Les mesures essentielles de ce moratoire visent la protection des droits des deux parties (propriétaires et locataires) et se présentent de façon générale comme suit :

Pour ce qui est de la protection des droits des locataires :

  1. Pas d’éviction d’un locataire pour cause de non-paiement de loyer due à
  • La perte de revenu du locataire en raison de la fermeture de son lieu de travail ou de la réduction de ses heures de travail due à la pandémie de Covid-19 ;
  • La perte de revenu ou augmentation des dépenses pour le bien-être de l’enfant liées à la fermeture des écoles ;
  • Dépenses liées à l’assurance médicale découlant d’une infection au Covid-19 du locataire ou une des personnes vivant avec ce dernier et diagnostiquée(s) positive(s) au test du Covid-19 ;
  • Des dépenses raisonnables effectuées suites à l’annonce du gouvernement de l’adoption de mesures d’urgences ;
  1. Aucun propriétaire ne sera autorisé à exercer une éviction « sans préjudice » durant l’EUS local. Une éviction « sans préjudice » est une éviction qui s’opère sans faute de la part du locataire. Par exemple, dans le cas où un locataire à jour dans le paiement de son loyer se verrait obliger de quitter la propriété si celle-ci avait fait l’objet d’une vente et que le nouveau propriétaire était contre l’idée de poursuivre la location. Grace au moratoire temporaire, l’éviction d’un locataire dans un cas pareil ne saurait se produire.
  2. Aucun propriétaire ne pourra évincer un locataire en cas de présence non autorisée d’occupants, animaux de compagnie ou nuisances sonores du fait de la pandémie du Covid-19 ;
  3. Aucun propriétaire ne pourra appliquer d’intérêts ou frais de retard de paiement de loyer sur les loyers en retards ou impayés dus à la pandémie du Covid-19.

En ce qui concerne la protection des droits des propriétaires :

  1. Les locataires sont tenus de s’acquitter des loyers impayés du fait des circonstances relatives au Covid-19, et bénéficieront d’un délai allant jusqu’à 12 mois dès l’expiration de l’EUS local pour s’acquitter de leurs impayés ;
  2. Les locataires sont encouragés d’informer leurs propriétaires dans un délai raisonnable (au moins 7 jours avant la date échu de paiement dudit loyer) sur leur impossibilité de s’acquitter du loyer ;
  3. Les propriétaires qui seraient soumis à un préjudice en cas de non-paiement du loyer peuvent souscrire à un crédit sinistre relativement au dommage économique du Covid-19 auprès de l’Administration des Petites Entreprises.

En Nouvelle-Zélande

Le ministre des Finances a annoncé le gel de toute augmentation de loyer ainsi que la protection contre l’annulation unilatérale du contrat de bail pendant une durée de six mois sous la Loi modificative en réponse du Covid-19.[15] Les modifications importantes apportées par cette loi sont les suivantes :

  1. Aucune augmentation de loyer ne sera autorisée à moins que celle-ci n’ait été notifiée au locataire et entrée en vigueur avant le 26 mars 2020 ;
  2. Aucun bail ne sera terminé durant la période de confinement à moins d’un accord bilatéral entre les parties ;
  3. Tout locataire peut se rétracter concernant sa décision de terminer le bail même si une notification de fin de bail avait déjà été envoyée au propriétaire. Cela est possible s’il est nécessaire de demeurer dans la propriété louée pendant la période de confinement ;
  4. En cas de dépistage positif du locataire au Covid-19, cela ne donne pas le droit au propriétaire de conclure à la fin du bail. Le locataire n’est pas dans l’obligation d’informer son propriétaire de son statut quoique cela est simplement suggéré.

Concernant les impayés de loyer,[16] depuis le 26 mars 2020, tout propriétaire peut saisir le Tribunal de Location si le locataire a à son actif au moins deux mois de loyers impayés. Le Tribunal dans son verdict prendra en considération l’équité et si oui ou non le locataire fait des efforts pour s’acquitter de ses impayés.

Au Canada

Le gouvernement a entrepris des initiatives d’aides sous le Plan de Réponse Économique du Gouvernement du Canada face au Covid-19[17] incluant des mesures de soutien aux Canadiens notamment pour le paiement de leurs charges locatives. Au niveau provincial, des mesures ont également été prises. Dans la province de British Columbia,[18] les autorités ont mis en place à court terme les dispositions suivantes :

  1. Un paiement temporaire de loyer pour les ménages à faible et moyen revenu, allant jusqu’à Can$ 500/mois, payé directement sur le compte du propriétaire ;
  2. Interdiction des évictions sous réserve de cas exceptionnels ;
  3. Arrêt temporaire de toutes les évictions prononcées par la Division des Locataires Résidentielles, sous réserve de cas exceptionnels ;
  4. Gel des augmentations de loyers prévues pour cette année pendant l’EUS ;
  5. Interdiction d’accès des propriétaires aux propriétés louées sans le consentement des locataires, sous réserve de cas exceptionnels ;

 Exemples de quelques mesures prises ou suggérées en Afrique

 Afrique du Sud

 Depuis l’entrée du pays en EUS, des mesures ont été prises par les autorités publiques afin de réduire l’impact de la pandémie sur le marché locatif Sud-Africain. Depuis le 26 mars 2020, date officielle du début du confinement dans le pays, le gouvernement a promulgué un règlement spécial adressant les directives spéciales aux termes de la Régulation 10 sur les réglementations en vigueur sous le code de Gestion du Désastre de 2002 de la République d’Afrique du Sud (RSA). Cette loi spéciale est contenue dans la Gazette du gouvernent du 26 mars 2020 (‘Gazette’) et touche à des points relatifs au secteur immobilier. En effet, dans son article 5(f) elle dispose que « toutes les expulsions et l’exécution des ordonnances de saisies, mobilières et les immobilières y compris le déplacement ou l’enlèvement d’actif mobiliers et les vente en exécution est suspendu avec effet immédiat pendant la durée du confinement ».

Cet article a une incidence directe sur les expulsions qui pourraient résulter de loyers impayés dus à la pandémie et même sur les expulsions ayant été prononcées bien avant le début de la crise sanitaire.[19] Ce moratoire est cependant temporaire et ne saurait protéger les parties une fois la fin du confinement prononcée. Par ailleurs, pendant toute la durée du confinement, un locataire ne peut être forcé à quitter son domicile même si un autre locataire est en attente de la propriété louée. Le futur locataire devra patienter dans son domicile actuel et ne pourra procéder à son emménagement qu’après la levée du confinement. Néanmoins, tout loyer est tenu d’être paye et cela même en cas de fin de contrat de bail, tant que le locataire en raison du confinement demeure dans le logement locatif. Les locataires en situation financière sensible sont tenus d’en aviser leurs propriétaires de sorte à négocier de nouveaux termes.[20] Toutes les mesures extraordinaires prisent par la Gazette ont la prééminence sur tous les contrats existants.[21]

Aussi, il faut noter que les professionnels de l’immobilier en général et de l’immobilier locatif en particulier ce sont penchés sur la situation en proposant des démarches dans le but d’atténuer les impacts négatifs de cette crise sur le marché du logement locatif. Dave McGlashan, le COO du Réseau des Investisseurs Immobilier en RSA (SAPIN) a conseillé aux propriétaires « …de faire face à la situation en mettant en place un dépôt de garantie ou un accord de report de paiement de loyer »[22] avec leurs locataires. Ces mesures devraient être étendues et applicables aux locataires ayant toujours fait preuve de bonne foi et s’étant toujours acquittés de leurs loyers dans les temps bien avant l’arrivée de la pandémie. D’autres accords bilatéraux recommandés par certain professionnel du milieu concernent des dispositions contractuelles au choix des parties (propriétaires et locataires) dans l’adoption de mesures servant le mieux leur intérêt. [23]  Il s’agit de :

  1. L’Accord sur la Déclaration de Revenu (‘ADR’). Cet accord permet à tout locataire de déclarer à son bailleur que ses revenus ont été affectés en raison de l’EUS, soit en partie ou en total ; par un licenciement ; une mise en congés temporaire non-payée ; ou par la réduction de ses heures de travail. Le bailleur à son tour pourra procéder à la vérification des allégations auprès de l’employeur de son locataire et même demander des documents additionnels justifiants le statut d’emploi actuel de celui-ci ;
  2. L’Accord d’Utilisation de la Caution (‘AUC’). Il permet au locataire d’autoriser ou non l’utilisation de sa caution en remplacement du ou des impayés de loyer en s’engageant au paiement échelonner de cette caution une fois l’EUS levé ;
  3. L’Accord de Report de Paiement de Loyer (‘ARPL). Il permet tout simplement de confirmer par écrit la prise d’un accord de paiement ultérieur de loyer impayé à une date future. L’ARPL a force de droit et est juridiquement contraignant.

 Côte d’Ivoire

 Le ministre de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, Bruno N. Koné a intégré la question des rapports bailleur et locataires en ces temps de crise. Il a donc suggéré six mesures relatives au paiement des loyers. Ces mesures concernent entre autres :[24]

  1. L’interdiction de toute augmentation de loyers pour tout type de contrat de bail ;
  2. La suspension de toutes les expulsions à l’exception de celles faisant suite à une décision de justice et la suspension de paiement de loyers pour ceux dont les activités économiques sont interrompues pendant une période de trois mois dès le 1er avril 2020 ;
  3. La réduction du loyer ou le report qui sera remboursable en 12 mois ;
  4. Le report du paiement des impôts et taxes pour les bailleurs ayant accepté une baisse de loyers
  5. La mise en place d’un fonds de solidarité logement financé par le Plan de soutien économique, social et humanitaire d’un montant de 1 700 milliards de FCFA (2 814 002 734.47 US$)

 Quelques suggestions applicables pour les marchés du résidentiel locatif en Afrique

Il est bon de remarquer que la plupart des mesures adoptées dans les quelques pays mentionnés ci-dessus n’ont pas été pensé à sens unique. Elles incorporent des éléments de protections visant les intérêts et les droits des parties prenantes. D’un côté, l’aspect social justifiée par la nécessité d’avoir une société ordonnée et le maintien de l’ordre a permis aux décideurs de s’assurer que le droit au logement et à l’accès au logement était respecté et assuré pendant cette période difficile. D’un autre, l’aspect économique précaire justifié par la baisse de la productivité économique dans certaines industries et la baisse des salaires et/ou des heures de travail a également été pris en compte. Il a permis la mise en place de moratoires temporaires qui dans un premier lieu « excusent » les retards et impayés de loyers et en second lieu, prévoient des « adoucisseurs » économiques pour permettre aux propriétaires de ne pas subir injustement les affres de la pandémie et ne pas conduire à une surprotection des droits des locataires à leur détriment.

Dans la plupart de nos grandes villes Africaines telles que Abidjan, Dakar, Luanda, Kinshasa, etc. nos autorités — pour celles qui ne l’ont pas encore fait — pourrait s’inspirer de certaines des mesures ci-dessus en vue de rassurer leurs parties prenantes. Dans le contexte Africain, trois aspects apparaissent importants en vue d’un interventionnisme efficace des autorités publiques.

Premièrement, la prise de mesures visant la protection des locataires contre toute expulsion relative au non-paiement de loyer dû à la pandémie de Covid-19. Cette protection pourrait couvrir les loyers dus à partir du « 1er » du mois en cours ou suivant la déclaration de l’EUS dans chaque pays. Elle ne devra pas être générale et a durée indéterminée, mais temporaire et strictement limitée aux individus dont :

  • Les emplois et revenus ont été affectés par l’EUS ;
  • Par l’impossibilité professionnelle due à un dépistage positif au Covid-19 ;
  • Par l’implication de dépenses imprévues relatives à la survie alimentaire, sanitaire du ménage et l’éducation des enfants suite à la déclaration de l’EUS et ;
  • De toutes autres mesures acceptables et propres aux pays Africains en état d’alerte depuis cette pandémie.

Deuxièmement, l’interdiction de l’augmentation des charges locatives et l’application d’intérêts en cas de loyers impayés. Il est vital et crucial que nos gouvernements s’assurent que le sinistre causé par cette pandémie ne créé pas un contexte d’enrichissement « immoral » au détriment des populations pauvres et vulnérables. L’encadrement des relations bailleur-locataire au niveau économique matérialisé par une ingérence des pouvoirs publics aura pour but de préserver de manière adéquate les intérêts économiques des parties prenantes. D’un côté cela permettra de garantir l’existence de la dette locative et son paiement ultérieure sans ainsi mettre le locataire dans une condition de surendettement née d’un évènement indépendant de sa volonté. D’un autre côté, elle permettra de rassurer le propriétaire sur le recouvrement de sa créance puisqu’il n’est pas ici question d’effacer la dette née de la jouissance du bien locatif durant l’EUS.

Enfin, la protection immédiate des conditions économiques des propriétaires. Cette mesure s’avère extrêmement importante pour garantir l’équilibre social et réduire au maximum les dangers extra Covid-19. Comme indiqué plus haut, le loyer représente un revenu fixe pour certains propriétaires et une base économique importante dans la planification de leur consommation ménagère, leur liquidité et plan de financement ou de refinancement hypothécaire sur une période bien donnée. Nos grandes villes Africaines, fortes de leur pourcentage important de locataire, supposent qu’une masse importante de ménages-propriétaires ou personnes-propriétaires pourraient être négativement affectés si les moratoires temporaires n’adressaient pas la préservation de leurs intérêts économiques. Les pouvoirs publics, par le canal de subventions partielles ou intégrales, ou de mécanisme de crédit, à effet immédiat, devraient servir à soutenir ces propriétaires qui se retrouveraient en situation précaire en cas de loyers impayés.

Certes la question des subventions des charges locatives pourrait être l’élément le plus difficile à contourner en raison du non recouvrement des subventions accordées — contrairement à un crédit — et du statut de pays « pauvres » et en développement des pays Africains. L’hypothèse d’une ligne de crédit provenant de fonds publics ou de fonds issus d’un partenariat public-privé (PPP) semble plus appropriée dans la mesure où elle permettrait à l’État de recouvrer sa créance auprès du propriétaire-emprunteur une fois l’EUS levé et les impayés locatifs recouvrés auprès du locataire.

Pour finir, les pouvoirs publics sous nos tropiques ne jouissant pas des mêmes moyens que leurs confrères Européens et Américains, la répartition des fonds et des ressources de manière équitable et rationnelle jouera un rôle très important dans la réponse de nos États face aux enjeux de cette pandémie sur les marchés du résidentiel locatif en Afrique.

 

[1] Ville-Gonesse. Définition du logement locative social et plafonds de ressources. http://www.ville-gonesse.fr/content/définition-du-logement-locatif-social-et-plafonds-de-ressources. (Visité le 3 avril 2020).

[2] Location Immobilier. Contrat de location immobilière: definition. http://www.location-immobilier.org/contrat-de-location-immobiliere-definition/. (Visité le 3 avril 2020).

[3] Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière. Une Europe de propriétaires. Octobre 2015. https://www.ieif.fr/revue_de_presse/une-europe-de-proprietaires. (Visité le 3 avril 2020).

[4] CAHF. Les marches du logement locative en Afrique. https://housingfinanceafrica.org/fr/projects/le-logement-locatif-en-afrique/. (Visité le 3 avril 2020).

[5] CAHF. 2017. Allan Cain. Angola’s Housing Rental Market. Février 2017. https://housingfinanceafrica.org/app/uploads/DW-Angola_CAHF_Angolas-Housing-Rental-Market_February-2017.pdf. (Visité le 3 avril 2020).

[6] CAHF. 2019. Comprendre et Quantifier les marches locatifs en Afrique: Rapport méthodologique. https://housingfinanceafrica.org/fr/documents/comprendre-et-quantifier-les-marches-locatifs-en-afrique-rapport-methodologique/. (Visité le 3 avril 2020).

[7] CAHF. 2018. Christopher Colli, Claire Hayworth, Illana Melzer, Jessica Robey. Comprendre et Quantifier les marches locatifs en Afrique: Analyse du marché en Côte d’Ivoire. Septembre 2018. https://housingfinanceafrica.org/fr/documents/comprendre-et-quantifier-les-marches-locatifs-en-afrique-analyse-du-marche-en-cote-divoire/. Pg. 1. (Visité le 3 avril 2020).

[8] CAHF. 2018. Christopher Colli, Claire Hayworth, Illana Melzer, Jessica Robey. Comprendre et Quantifier les marches locatifs en Afrique: Analyse du marché au Sénégal. Septembre 2018. https://housingfinanceafrica.org/fr/documents/comprendre-et-quantifier-les-marches-locatifs-en-afrique-analyse-du-marche-au-senegal/. (Visité le 3 avril 2020).

[9] CAHF. 2018. 71point4, Christopher Colli, Claire Hayworth, Illana Melzer, Jessica Robey. Understanding & Quantifying rental markets in Africa: Uganda. Septembre 2018. https://housingfinanceafrica.org/documents/understanding-quantifying-rental-markets-in-africa-uganda/. (Visité le 3 avril 2020).

[10] CAHF. 2018. 71point4, Christopher Colli, Claire Hayworth, Illana Melzer, Jessica Robey. Understanding & Quantifying rental markets in Africa: Tanzania. Septembre 2018. https://housingfinanceafrica.org/documents/understanding-quantifying-rental-markets-in-africa-tanzania/. (Visité le 3 avril 2020).

[11] CAHF. 2019. Annuaire sur le financement du logement en Afrique: 10ème edition. Decembre 2019. https://housingfinanceafrica.org/fr/documents/annuaire-sur-le-financement-du-logement-en-afrique-10eme-edition/. Pg. 11. (Visité le 6 avril 2020).

[12] The World Bank. (2014). Housing Finance Across Countries. http://documents.worldbank.org/curated/en/697351468165251669/pdf/WPS6756.pdf. Pg. 2. (Visité le 6 Avril 2020).

[13] Ibid. Pg. 7.

[14] Los Angeles Housing Community. 2020. Covid-19 Eviction Moratorium. https://hcidla.lacity.org/COVID-19-eviction-moratorium. (Visité le 6 Avril 2020).

[15] Tenancy Services. 2020. Covid-19 announcement on rent increase freeze and tenancy terminations. Mars 2020. https://www.tenancy.govt.nz/about-tenancy-services/news/covid-19-coronavirus-rent-freeze-tenancy-terminations/. (Visité le 6 Avril 2020).

[16] Tenancy Services. 2020. Rent arrears and overdue rent. https://www.tenancy.govt.nz/rent-bond-and-bills/rent/overdue-rent/#id_2686904-what-to-do-if-youre-a-landlord. (Visité le 6 Avril 2020).

[17] Gouvernement du Canada. 2020. Canada’s Covid-19 Economic Response Plan. https://www.canada.ca/en/department-finance/economic-response-plan.html. (Visité le 7 Avril 2020).

[18] Gouvernement de British Columbia. 2020. Supporting renters, landlords during Covid-19. Mars 2020. https://news.gov.bc.ca/releases/2020MAH0048-000561. (Visité le 7 Avril 2020).

[19] Eviction Lawyers South Africa. (2020). Time to hit the “pause” button on evictions? 24 March 2020. https://www.eviction-specialists.co.za/blog. (Visité 13 Mai 2020).

[20] Ibid.

[21] Ibid.

[22] Kerry Dimmer. (2020). Solutions for landlords and tenants impacted by lockdown. 31 March 2020. https://www.privateproperty.co.za/advice/news/articles/solutions-for-landlords-and-tenants-impacted-by-lockdown/7468. (Visité 13 mai 2020).

[23] Ibid.

[24] Issouf Kamgate. (2020). Covid-19: Le gouvernement ivoirien decide soit de la reduction de loyers ou le report de trois mois du paiement. 9 avril 2020. https://www.financialafrik.com/2020/04/09/covid-19-le-gouvernement-ivoirien-decide-soit-de-la-reduction-de-loyers-ou-le-report-de-trois-mois-du-paiement/. (Visité le 13 mai 2020).

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