Rapport sur Séries de Webinaire du CAHF sur le Financement du logement en Afrique du Nord
Le vendredi 25 février 2021, le Centre pour le financement du logement abordable en Afrique (CAHF) ont organisé conjointement un webinaire sur le thème «Le financement du logement en Afrique du Nord», réunissant 100 parties prenantes des gouvernements, des banques et des partenaires au développement. S’appuyant sur l’analyse de son annuaire (Yearbook) sur le financement du logement en Afrique. Cet annuaire est préparé par le Centre for Affordable Housing Finance (CAHF) dont la onzième édition a été publiée en Novembre 2020. Ce webinaire a structuré autour d’une vue d’ensemble de l’Afrique du nord et de l’analyse des politiques de logement, et du financement du logement en Algérie et au Maroc. Il a été préparé par l’équipe francophone du CAHF, composée de composée de Marine CAVAILLON, Jean-Philippe ADO et Alex-Armel KIPAYKO.
Date et heure de la session : 25 février 2021, de 15h00 à 17h00.
Modérateur : Marine CAVAILLON (Consultante pour le programme francophone au CAHF) et Jean-Philippe ADO (Research manager en charge de l’Afrique de l’ouest et du nord au CAHF).
Noms, titres et organisations des panelistes :
- Mr Thierno Birahim NIANG : Ingénieur statisticien économiste, auteur de l’annuaire ;
- Mme Mounia TAGMA : Consultante international en politique du logement ;
- Mr Jean-Pierre SCHAEFER : Expert en économie du logement et en développement urbain ;
- Mr Olivier HASSLER : Consultant indépendant en financement du logement (ancien expert de la Banque mondiale en développement du secteur financier et privé) ;
- Mr Mounir KABBAJ : Directeur adjoint en charge du développement commercial et du marketing, BOA Maroc.
Nombre de participants : 100 (Afrique du Sud, Allemagne, Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Espagne, États-Unis, France, Ghana, Kenya, Maroc, Népal, Nigéria, Rwanda, Sénégal, Tunisie)
Introduction
Ce webinaire a pour objet le financement du logement en Afrique du Nord, avec un focus particulier sur le Maroc et l’Algérie et se base sur la publication annuelle de l’annuaire (Yearbook) sur le financement du logement en Afrique. Cet annuaire est préparé par le Centre for Affordable Housing Finance (CAHF) dont la onzième édition a été publiée en Novembre 2020. Ce webinaire a structuré autour d’une vue d’ensemble de l’Afrique du nord et de l’analyse des politiques de logement, et du financement du logement en Algérie et au Maroc. Il a été préparé par l’équipe francophone du CAHF, composée de composée de Marine CAVAILLON, Jean-Philippe ADO et Alex-Armel KIPAYKO.
Vue d’ensemble du secteur du logement et du financement du logement en Afrique du Nord (présenté par Thierno Birahim NIANG)
- Introduction
La région d’Afrique du nord comprend cinq pays riverains de la mer Méditerranée qui sont l’Égypte, la Libye, la Tunisie, l’Algérie et le Maroc et a une population de près de 250 millions d’habitants.
La région a enregistré des taux de croissance élevés dans le passé (4.4% en 2019). Cependant, selon les prévisions de la Banque Africaine de Développement (BAD) en 2020, il est prévu une baisse du taux de croissance causée par la récession et devant s’établir à -2.3%. L’inflation elle, devrait atteindre des niveaux élevés en 2020 comparativement à 2019 (6.1% contre 7.9%). En Algérie, la COVID-19 a causé une baisse généralisée des prix des logements et a mis au chômage 150 000 à 200 000 salariés dans le secteur de construction.
- Accès au financement et faisabilité financière
En termes de financement, le marché financier de l’Afrique du Nord reste l’un des plus avancés et dynamiques. La proportion d’adultes bénéficiant d’un prêt au logement exceptionnel est de 4.8% en Afrique du Nord et dominée par la Tunisie en tête du classement avec 8%, suivi de l’Algérie 4.7% et de l’Égypte 3.9%.
Cependant, malgré les facilitations à l’accès au financement du logement en Afrique du Nord, il reste toujours difficile pour les ménages à revenus bas d’en bénéficier.
- Offre de logement
L’Algérie a financé la construction de plus de 1.2 millions de logement sociaux pendant la période allant de 2015 à 2018 et prévoit une livraison de 1.5 millions à l’horizon 2020-2024.
Pour la même période de 2020-2024 est prévue la construction d’un million de logements de toute catégorie confondue.
Au Maroc, le gouvernement s’est engagé dans un partenariat avec le secteur privé pour financer des logements entre 140 000 et 250 000 MAD ($14 419 et $ 25 748).
- Politique de logement
Les politiques des gouvernements jouent un rôle de premier plan dans le secteur de logement en Afrique du Nord: en maintenant les projets de logements programmés, en les renforçant par les nouvelles réalisations (comme en Algérie avec la prévision de 1.5 millions de logements à horizon 2024) et en émettant des lois rendant obligatoire l’établissement d’un contrat de bail entre propriétaire et locataire. Tel est le cas du Maroc.
En réponse au COVID-19, le Maroc a introduit un projet de loi de finance rectificative pour le secteur du logement où les mesures fiscales comportent une prorogation de six mois du délai des conventions relatives aux programmes de construction et la réduction de 50% des droits d’enregistrement lors des acquisitions des biens immobiliers à usage d’habitation.
- Marché immobilier et opportunité
Compte tenu de la croissance des économies et des programmes de réforme particulièrement en Algérie et au Maroc, et ce malgré les conséquences économiques du COVID-19, les perspectives dans le secteur du logement et de l’immobilier restent positives pour la région de l’Afrique du Nord.
Politique du logement au Maroc (présenté par Mounia TAGMA)
Mounia nous a présenté un aperçu de la politique de l’habitat au Maroc. Il existe de nombreuses mesures de soutien à l’offre et à la demande dans la promotion immobilière et l’aménagement urbain au Maroc. Il s’agit des incitations à l’ensemble des promoteurs publiques ou privés afin de les pousser à produire eux-mêmes.
Ces incitations à l’offre se manifestent sous les formes suivantes:
- Du foncier public (essentiellement du foncier domanial qui va directement aux promoteurs ou aménageurs privés) ;
- Un certain nombre d’exonération fiscale (notamment pour les deux grands programmes de logements sociaux, celui du logement plafonné à 140 000 MAD et celui de 250 000 MAD en échange d’un produit de logement pour période bien définie, d’où des exonérations octroyées aux opérateurs immobiliers qui s’engagent à respecter les prix plafonds et les conditions de commercialisations de ces deux produits) ;
- Des dérogations urbanistiques consenties par le gouvernement pour des documents d’urbanisme souvent lents à être disponible ou étant parfois obsolètes, suivit souvent d’un recourt à la dérogation pour construire où il a été interdit par les documents d’urbanisme.
En matière de soutien à la demande, les incitations se trouvent sous la forme de :
- Accès au financement à travers plusieurs garanties de crédit ;
- Prix plafonnés pour les logements sociaux ;
- Aides aux ménages vivant dans des bidonvilles.
Questions & Réponses
Q.1 : Quels sont les mécanismes du fond de garantie pour les promoteurs immobiliers ?
R/ Le fond de garantie pour les promoteurs immobiliers propose des garanties allant jusqu’à 90% du montant principal des crédits allant jusqu’à 10 millions de Dirham et 85% pour les crédits au-delà de 10 millions de Dirham. Ces mesures dureront jusqu’à fin mars 2021.
Q.2 : les dérogations urbanistiques au Maroc sont-elles permanentes ou provisoires ?
R/ La dérogation est pour un projet particulier.
Politique du logement en Algérie (présenté par Jean-Pierre SCHAEFER)
- Les perspectives nouvelles pour les partenariats entre les promoteurs publics et privés en Algérie
En effet, il a été annoncé fin 2020, une règlementation en cours d’élaboration qui prévoit la possibilité pour les pouvoirs publics de céder des terrains viabilisés à des promoteurs privés en échange d’un quota de logements locatifs sociaux participatifs (LSP) :
- Quelle seront les éventuelles répercussions directes ou indirectes de ce dispositif sur l’offre en logements abordables pour les ménages à revenus moyens ?
- Quelles sont les perspectives ouvertes aux promoteurs privés ?
En Algérie, nous constatons que le contexte politique est significativement changeant, car en plein remaniement ministériel en date du 21 février et l’annonce des élections législatives à suivre. Dans ce contexte, des évolutions vont donc être annoncées par le gouvernement.
En dépit des changements politiques, dans le secteur du logement, on observe une continuité dans les actions. Le nouveau ministre du logement nommé il y a peu, était le directeur général d’un operateur immobilier public (AADL) et le nouveau Président de la République fut Ministre de l’habitat.
L’économie algérienne a toujours été fortement dépendante des cours pétroliers, repartis plutôt à la hausse depuis octobre 2020.
- Production du logement en Algérie
A l’origine la production totale de logements était contrôlée par le gouvernement algérien, et a été ouverte au marché depuis 1986. La production de logements en Algérie a atteint le nombre de 200 000 unités pour 2020 avec l’objectif d’atteindre 1 million de logements en 5 ans. Il a été observé qu’en Algérie les promoteurs publics ont une place dominante.
Le marché financier en Algérie est dominé par la Caisse Nationale d’Épargne et Prévoyance (CNEP) qui est à l’origine de 70% des crédits hypothécaires, le reste provenant des banques publiques. Il est à noter que les banques privées ont une faible place dans ce marché financier.
- Place des promoteurs privés
La place des promoteurs privés semble encore modeste, inférieure à 10 000 logements face à une production de logement publique de 200 000 unités par an. Ils produisent plus des Logements Promotionnels Aidés (LPA) et des Logements Sociaux Participatifs (LSP). Il existe un fond de de garantie FGCMPI qui sécurise la vente de logements sur plan.
- Le projet de décret, une façon d’articuler les projets de promotion privé avec l’accession sociale
Le projet de décret prévoit que le promoteur réserve à l’État 30% de logements LSP (70m2), avec une convention d’entretien par les Offices de Promotion et de Gestion Immobilière (OPGI) et une formule en accession sur 15 ans.
Questions & Réponses
Q.1 : Est-ce que à l’heure de la COVID-19, le modèle de subvention et le logement aidé, continue d’être un modèle viable face aux défis sanitaires que la plupart des pays doivent relever, notamment l’Algérie ?
R/ Pour l’Algérie, dont l’économie dépend largement du cours de baril de pétrole, les fluctuations du prix du baril ont des impacts directs sur l’économie. Et ayant une population vieillissante, l’Algérie a un des meilleurs niveaux sanitaires en Afrique.
Dans le long terme, proposant des prix abordables pour le logement, difficile de savoir si les mesures actuelles pourront être bénéfiques pour le logement abordable ou non.
Q.2 : Sous quelle forme se font les subventions au logement en Algérie, directe ou indirecte ?
R/ Le logement est un secteur technique en Algérie, les membres du gouvernement sont très sensibilisés à l’habitat, ce qui renforce le fait que le domaine du logement soit encore très contrôlé par l’État. Beaucoup de logements et aides sont disponibles mais pas par le secteur privé. Entre autres, les promoteurs privés ont des difficultés à accéder aux titres de propriété. C’est l’objet du décret qui est en train d’être étudié par le gouvernement, afin de laisser plus de place au privé tout en garantissant un minimum de logements sociaux (30%).
Cas de financement du logement en Algérie via la finance islamique (présenté par Olivier HASSLER)
- Le rôle de la finance islamique dans le financement du logement en Algérie
Il est important de noter l’omniprésence de l’État algérien dans l’économie algérienne. 80% du foncier est alloué par le gouvernement, reléguant le secteur immobilier privé au second plan.
Le développement du financement islamique est assez récent d’où l’existence de seulement deux banques purement islamique, à savoir Al Baraka et Al Salam.
Les objectifs poursuivis par le renforcement du financement islamique dans le logement en Algérie sont ceux de répondre à la grande demande insatisfaite, en augmentant le taux de bancarisation qui est encore faible (près de 45% des adultes ont un compte bancaire), et attirer les capitaux extérieurs en offrant des instruments d’investissement adaptés.
(Pas de questions)
Cas de financement du logement au Maroc via le e-crédit immobilier (présenté par Mounir KABBAJ)
- Le crédit habitat à l’ère du digital (Bank of Africa Maroc-BMCE Group)
Bank of Africa est un conglomérat bancaire multinational panafricain avec des opérations bancaires dans dix-huit pays africains et un bureau de représentation à Paris, en France. Au Maroc, elle a près de 2,5 millions de clients et est présente dans le pays avec 704 agences.
Le crédit hypothécaire et l’accès à l’habitat sont très développés au Maroc. En effet, depuis quelque temps, la population marocaine devient progressivement plus digitalisée avec 25 millions d’utilisateurs digitaux sur une population de presque 35 millions d’habitant et un taux de pénétration de smartphone qui dépasse les 100%.
50% des clients de Bank Of Maroc profitent des offres digitales de la banque, et la mutation vers le digital continu de progresser : les clients peuvent maintenant souscrire en ligne un crédit immobilier, un crédit à la consommation et obtenir une offre complète.
En réponse à la crise du COVID-19, le Maroc semble s’être encore plus digitalisé et plus connecté. Dans le secteur du crédit immobilier, cela représente un nouveau défi car les clients connaissent parfois mieux les offres que le vendeur. Le e-crédit rend donc les conditions plus difficiles pour le vendeur mais s’avère particulièrement pertinent en période de COVID-19, en particulier dans le suivi client.
(Pas de questions)
Conclusion (présenté par Jean-Philippe ADO)
Remerciement à tout le monde pour participation et présentation de quelques travaux du CAHF. Présentation du cours sur le financement du logement dont la 1ère édition s’est tenue en janvier 2020 et la deuxième se tiendra au mois de Juin 2021.